« Desierto », migration d’une incroyable vacuité

« Desierto », migration d’une incroyable vacuité

« Desierto », migration d’une incroyable vacuité

« Desierto », migration d’une incroyable vacuité

Au cinéma le

Au sud de la Californie, un groupe de mexicains traversant la frontière pour rejoindre le sol américain se retrouve pris en chasse par un homme armé qui cherche à les abattre, un à un. Thriller aride, Desierto étonne par la pauvreté de son scénario et la vacuité de son propos sur le sujet pourtant très actuel des migrants.

Sous le soleil accablant du désert de Sonora, dans le sud de la Californie, un groupe de mexicains progresse péniblement vers une vie qu’ils espèrent meilleure. Parmi eux, Moises (Gael García Bernal), un jeune père bien déterminé à retrouver sa femme et son fils qui l’attendent de l’autre côté de la frontière. Mais, à peine arrivés sur le sol américain, l’expédition prend une tournure tragique : le petit groupe est décimé par un homme armé (Jeffrey Dean Morgan) qui les abat les uns après les autres.
Moises arrive à s’enfuir avec quelques survivants mais ils sont rapidement poursuivis par le mystérieux tireur, accompagné de son chien dressé pour tuer. Dans les grands espaces hostiles du désert californien, une lutte acharnée pour la survie s’engage alors entre le chasseur et ses proies.

Desierto

Petit film familial

Capitalisant sur le bon souvenir laissé par Gravity (2013) dans la mémoire du spectateur, les affiches de Desierto mettent en avant la parenté entre l’odyssée spatiale et cette nouvelle production avec un slogan vendeur – “par les créateurs de Gravity” – qui met l’eau à la bouche. Et en effet, on retrouve dans cette petite entreprise familiale Alfonso Cuarón, le réalisateur de Gravity qui est ici producteur du film et derrière la caméra Jonás Cuarón, le fils du premier et co-scénariste de Gravity, qui réalise ici son premier long métrage. Hélas la comparaison avec le film qui a raflé 7 Oscars en 2014 joue en défaveur de cette nouvelle production Cuarón, dans laquelle on ne retrouve aucune des qualités ayant fait le succès du huis-clos spatial.

Gael García Bernal, leader improvisé d’un groupe de migrants terrifiés, et Jeffrey Dean Morgan, inquiétant tueur psychopathe, tentent de faire vivre leurs personnages mais le scénario, très peu enclin aux bavardages, les enferme dans des caricatures. La perplexité l’emporte devant le peu de profondeur psychologique des deux protagonistes principaux : d’un côté le migrant apeuré – dont on se sait pas grand chose – et de l’autre le raciste – dont on ne sait absolument rien – motivé par sa haine de l’autre, qu’il considère comme un nuisible et doit donc supprimer. Loin du souffle épique et des qualités visuelles de Gravity – ce qui pourrait aisément être pardonné –, Desierto n’a, sur le fond, rien à dire d’intelligent sur la question de la migration ou du racisme, et c’est plus problématique.

Desierto

Un coup pour rien

Avec ses personnages quasiment mutiques et une action basée sur une violence brutale et implacable, l’intention de Desierto semble être d’instaurer un climat de tension permanente, en espérant que cela suffise à retenir l’intention du spectateur pendant une heure et demie. Ce type de climat anxiogène on le retrouve par exemple dans Duel (1971) de Steven Spelbierg où un mystérieux camionneur s’en prend sans raison apparente à un pauvre automobiliste qui n’a rien demandé à personne. Malheureusement, Jonás Cuarón n’est pas l’héritier du réalisateur des Dents de la mer (1975) et l’atmosphère de Desierto est loin d’égaler la tension du combat mécanique de Duel. Aussi détestable que puisse être le personnage incarné par Jeffrey Dean Morgan, ses motivations sont aussi claires que sa solution est radicale : il ne veut pas d’étrangers sur son territoire – national – donc il les tue. Cette “philosophie” au ras des pâquerettes ne rend pas le crime moins détestable mais l’éloigne du mystérieux prédateur du film de Spielberg : on connaît les raisons de Sam pour buter le plus de mexicains possible et aucun mystère ne vient en renfort de la violence gratuite.

Que reste-t-il alors ? La curiosité de savoir qui va survivre à cette terrible chasse à l’homme mais là aussi l’intérêt retombe assez rapidement tant le film emprunte tous les clichés scénaristiques que l’on peut imaginer. Mise à part une scène qui vient légèrement égratigner l’image du sauveur Moises, tout se déroule sans surprise dans ce jeu du chat et de la souris, cachés derrière de gros cailloux, et cela finit par lasser. En prenant le pari risqué de personnages qui s’expriment très peu, Desierto livre au final des stéréotypes avec un “gentil” auquel on a du mal à s’attacher vraiment et un “méchant” évidemment antipathique mais sans aspérités car sans histoire, au delà de sa haine vicérale pour les étrangers.

Alors que le sujet des migrants est au coeur du débat politique de l’autre côté de l’Atlantique avec le mur anti-immigration rêvé par Donald Trump et en Europe avec l’afflux des migrants venant notamment de Syrie, ce thriller très basique passe à côté d’une occasion en or de dire quelque chose de pertinent sur le sujet. Il faut énormément d’imagination pour prêter au film une intention particulière ou voir en Sam une quelconque métaphore de l’Amérique. Si le film souhaite nous persuader que tirer sur des migrants n’est pas la bonne façon de résoudre la crise migratoire on s’en doutait un peu.

Plat et inconséquent, Desierto passe à côté d’un sujet pourtant important. Chaque pierre de ce désert peut être méticuleusement retournée, aucune chance d’y trouver une riposte au discours haineux véhiculée par Donald Trump.

Desierto, réalisé par Jonás Cuarón, Mexique – France, 2015 (1h34)

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