Depuis toujours, Jim Morrison était un admirateur de Rimbaud. Pour autant, venir à Paris relevait plus de la contrainte que d’une envie de fouler les terres du poète. « Il était là pour écrire, éventuellement faire du cinéma mais il était surtout là pour fuir le procès [suite à sa prestation remarquée à Miami en 1969, il était accusé de « comportement indécent », « d’exhibition indécente », « d’outrage aux bonnes mœurs » et « d’ivresse publique », NDLR]. Comme il n’y avait pas de convention d’extradition entre la France et les Etats-Unis, il ne risquait rien. En tout cas, je pense qu’il avait déjà quitté les Doors », affirme Gilles Yepremian, qui l’a rencontré à plusieurs reprises. Toujours est-il qu’il vint en France pour ne plus jamais en repartir.
Logements
Le 11 mars, Jim Morrison retrouve Pamela Courson à l’Hôtel Georges V (31 avenue George V 75008) où ils ne resteront que quelques jours. Ils déménageront ensuite non loin de la Bastille (17 rue Beautreillis 75004) dans un appartement sous-loué au mannequin Elizabeth Larivière, alias Zozo. Charles Baudelaire avait également vécu dans cette rue entre 1858 et 1859. Ils logeront un temps à l’Hôtel (13 rue des Beaux Arts 75006). A la demande de Jim, le couple s’installera dans la chambre où Oscar Wilde est décédé le 30 novembre 1900. C’est là qu’interviendra un premier incident. « Un soir où il était saoul, Jim est tombé du balcon du 2è étage. Il a atterri sur le toit d’une voiture sans égratignure » nous raconte Gilles Yepremian.
Soirées
Gilles Yepremian rencontre Jim Morrison à l’occasion d’une soirée dans une boite « in et rock », le Rock’n’Roll Circus (57 rue de Seine 75006), qui a vu passer Arthur Brown ou encore Richie Havens. « Je quittais les lieux pour me rendre à l’Open One, une autre boite rock à Saint-Germain-des-Prés [rue du Vieux Colombier 75006, NDLR]. En sortant, je vois Jim Morrison qui donne des coups dans la porte pendant que les videurs lui demandent de décamper. Je ne pouvais pas lui demander où il habitait, il était trop saoul, et je ne pouvais pas l’accueillir chez moi, je vivais encore chez mes parents. J’ai décidé de l’amener chez Hervé Muller, alors journaliste pour Best, sans le prévenir. » Sur le trajet, Jim Morrison est incontrôlable. Il sort notamment du taxi appelé par Gilles Yepremian car il souhaite se rafraîchir en se baignant dans la Seine. Il finira par s’endormir dans le lit d’Hervé Muller et de sa compagne, Yvonne Fuka, qui se rabattront sur des sacs de couchages.
Cafés
Le lendemain midi, le propriétaire annonçait à Hervé Muller qu’il devait quitter les lieux. Jim Morrison venait d’offrir le petit déjeuner à l’Alexandre [53 Avenue George V 75008] où il avait commandé une bouteille de Chivas. « Quelques jours plus tard, Hervé organisait un déjeuner chez lui. Jim était venu avec Pamela. Il était sobre et très abordable. A table, nous avons parlé de mai 68, de la Nouvelle Vague et de son livre An American Prayer qu’il a demandé à Hervé de traduire en Français [fn]Jim Morrison, Une prière américaine et d’autres récits (traduction : Hervé Muller) Christian BOURGOIS Editeur (227 pages), 1979.[/fn] », explique Gilles Yepremian. Pas question de parler des Doors en revanche : « à ce moment-là, il s’est braqué comme si je lui avais parlé du diable. »
Jim Morrison fréquentera brièvement quelques bars célèbres de la capitale : le café de Flore (172 boulevard Saint-Germain 75006), la Palette (43 rue de Seine 75006), qui a vu défiler Cézanne, Picasso ou Hemingway et l’Astroquet (153 boulevard Saint-Germain 75006) où il rencontra le groupe de rock amateur Clinic – la formation de Phil Trainer – avec lequel il fit une jam session.
Dernière demeure
Jim Morrison est décédé le 3 juillet 1971 dans des circonstances mystérieuses. Cinq jours plus tard, il est enterré devant cinq personnes. « En septembre 1971, la tombe avait été arrangée par les fans. Ils avaient délimité la tombe avec des coquilles Saint-Jacques. Sur la tombe même, il y a avait des joints, de l’acide, des poèmes… Avec Hervé Muller, nous avons interrogé des fossoyeurs qui nous ont expliqué que la tombe n’était toujours pas payée », explique Gilles Yepremian. C’est Alain Ronay, un camarade de classe de Jim qui a proposé le cimetière du Père Lachaise. Avant d’approuver, Pamela lui a demandé : « est-ce que Rimbaud est [enterré] ici aussi ? [fn]Entretien avec Alain Ronay, Paris Match, 1991.[/fn] »