À Contis, le court métrage fouille le passé

À Contis, le court métrage fouille le passé

À Contis, le court métrage fouille le passé

À Contis, le court métrage fouille le passé

Au cinéma le

Le 17e Festival international de Contis, consacré au court-métrage, a eu lieu début juin dans les Landes. Entre deux baignades dans l'océan, on a relevé que plusieurs films partageaient une thématique proche : les liens entre passé (qui passe plus ou moins bien) et présent, et donc la réminiscence, la famille, la transmission, la disparition… Des méandres mémoriels que les réalisateurs et réalisatrices exploraient chacun à leur manière. Petit passage en revue.

Ce fut sans doute l’un des films les plus stimulants vus au dernier Festival de Cannes. "No" du rélisateur chilien Pablo Larrain se passe en 1988, quand Augusto Pinochet, face à la pression internationale, consent à un référendum sur sa présidence. Les dirigeants de l’opposition persuadent alors un jeune et brillant publicitaire, René Saavedra (Gael Garcia Bernal), d’imaginer la campagne pour le "non". Ce qui frappe dès les premières secondes du film, c’est l’image, volontairement moche, terne, sale : "No" a été tourné dans un format vidéo des années 80, aujourd’hui totalement obsolète. Cela permet aux séquences d’être visuellement raccord avec les nombreuses archives d’époque intégrées au film, et, surtout, cela donne presque l’illusion que tout a réellement été filmé il y a 25 ans.

Dire l’époque par l’image

Un format, une qualité d’image peuvent-ils évoquer une époque révolue (ou, à l’inverse, une absolue contemporanéité) ? C’est la question qu’on s’est également posée devant plusieurs films présentés au dernier festival de Contis. Ainsi de "Méditerranées", autofiction méditative d’Olivier Py composée de fragments de films super-8 familiaux. On y voit les parents de l’auteur, dont la petite histoire se retrouve prise dans la grande, celle de l’Algérie et de la France. Il y a quelque chose dans le grain même de l’image super-8, cet aspect tremblé, flou, imprécis, qui semble de l’ordre de la réminiscence, du souvenir, de la nostalgie – le commentaire en voix off, peut-être un peu trop "frédo-mitterrandien" parfois, accentuant cette impression. Henri-François Imbert avait très bien su en jouer dans ses films comme "Sur la plage de Belfast" ou "Doulaye, une saison des pluies". Dans cinquante ans, les images tournées aujourd’hui en vidéo HD produiront-elle le même effet sur nos descendants ?

Méditerranées | Photo DR

Les archives familiales en super-8 sont aussi utilisées par Jacky Goldberg pour son bref "In Loving Memory", au titre assez parlant. Elles ne sont pas employées ici dans une optique documentaire comme chez Py, mais pour leur potentiel fictionnel. Pour autant, leur statut est proche puisqu’il s’agit apparemment des souvenirs d’un personnage. Le super-8, avec ses flous, son tremblé, ses altérations de la pellicule, ses superpositions, son aspect fragmentaire et son absence de son, semble correspondre au caractère lacunaire de la mémoire. C’était aussi essentiellement un format amateur, qui a pu saisir des moments historiques (la célèbre séquence de l’assassinat de JFK filmée par Zapruder), mais qui a été surtout utilisé pour garder les traces d’histoires personnelles, intimes. D’où un lien de proximité, presque affectif, qui s’établit d’emblée avec ces images, appartenant à un autre registre que celui du cinéma professionnel (35 mm, CinemaScope…).

In loving memory | Photo DR

Dans "Eldorado" (2008), Bouli Lanners nous bouleversait ainsi par le surgissement d’un flash-back en super-8, contre-pied à l’esthétique générale du film. Aujourd’hui, la distinction est bien moins évidente : on filme en HD avec son smartphone, et des films à succès comme "La guerre est déclarée" sont tournés en grande partie ou intégralement avec un Canon 5D, un appareil photo certes pas à la portée de toutes les bourses, mais beaucoup plus accessible que les grosses caméras habituelles.

Un lien fort du spectateur avec ce qui est montré et dit : c’est sans doute ce qui manquait à "Maternelle" de Jeanne Dressen, dans lequel la réalisatrice raconte, sur des images nocturnes de Strasbourg (contemporaines, en vidéo), sa relation à sa mère absente et à sa ville. Un matériau très (trop ?) autobiographique que la forme ne transcende pas. Côté fiction, "Eva" de Frédéric Duvin nous a davantage séduit.

Eva | Photo DR

Dans la première scène, la jeune chanteuse d’un groupe de rock apprend la mort de son père. Pourtant, le reste du film est un bref road movie nordiste avec ces deux personnages. S’agit-il d’un rêve d’Eva, de souvenirs ? L’un ou l’autre, sans doute, mais ici rien dans le traitement de l’image ne le suggère, si ce n’est deux plans très furtifs montrant la jeune fille seule.

L’image est-elle honnête ?

Dans "Le Silence et l’oubli" de Christophe Delsaux, un fils, Emmanuel (Malik Zidi), est confronté au passé de son père (Philippe Nahon) pendant la guerre d’Algérie. Contrairement à Olivier Py, Emmanuel doit composer avec une absence d’images (si ce n’est celles de "La Question", film de Laurent Heynemann d’après le livre censuré de Henri Alleg sur la torture en Algérie, qu’il visionne). Pour tenter de connaître la vérité, il ne reste plus que la parole, forcément difficile.

Le silence et l'oubli | Photo DR

Mais les images disent-elle toujours la vérité ? Dans "Je t’attends toujours" de Clément Rière, un homme mène l’enquête sur l’étrange disparition de son frère il y a une vingtaine d’années, près d’un terrain d’atterrissage dédié aux ovnis. Vérification faite, le lieu existe bien.

En revanche, l’authenticité de ce qui nous est raconté est pour le moins sujette à caution. Pourtant, quand apparaissent à l’écran des images de la famille en balade à l’ovniport, juste avant la prétendue disparition, on y croirait presque : un curieux effet de réel produit par la vidéo domestique des années 80-90, l’image imparfaite du Camescope. Comme s’il ne pouvait s’agir que d’une cassette vintage retrouvée au fond d’un tiroir.

Retour aux sources | Photo DR

Le même doute nous assaille à la vision de "Retour aux sources", documentaire de 52 minutes dans lequel le comédien Bernard Blancan ("Indigènes") raconte sa rencontre tardive avec son père biologique et, plus étonnant encore, la découverte de sa vocation de sourcier. Présent à Contis, l’auteur a confirmé que tout cela était bien vrai. Si le film touchait autant, c’était peut-être parce qu’ici, à la différence des courts métrages précédemment cités, le lien familial était incarné à l’écran (on voit Blancan, son père, ses fils), et pas seulement évoqué à travers l’absence. Ce beau "Retour aux sources" était moins un ressassement du passé qu’un ressourcement (au sens de "rejaillissement") regardant résolument vers l’avenir. De toute évidence, celui du cinéma passera par ces œuvres hybrides et hors-format, mêlant le vrai et le faux, l’archive et la fiction, les images d’hier et celles de demain.
 

Date de sortie
Durée
Réalisé par
Avec
Pays