Campagne de photographes

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Art

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6 mai 2012

Réalisée par trois photographes de l'agence MYOP en partenariat avec France-Inter, l'exposition "Clichés de Campagne" qui a lieu à la Maison de la Radio, invite à désacraliser le spectacle de la campagne présidentielle. Guillaume Binet, Lionel Charrier et Ulrich Lebeuf, reviennent pour Citazine sur les particularités de leur métier en ces temps forts de la politique française.

Guillaume Binet, Lionel Charrier et Ulrich Lebeuf | Photo Audrey Minart

« Un bordel ». C’est ainsi que Guillaume Binet qualifie spontanément un meeting politique. « Nous faisons partie de ce bordel, de ce charme, dans lequel journalistes, militants et candidats baignent. Nous n’avons pas essayé, en tant que photographes professionnels, de nous placer au dessus de cette mascarade où l’on transpire, où on a mal, où les gens se battent… » Les trois photographes, Guillaume Binet, Lionel Charrier, Ulrich Lebeuf, auteurs de l’exposition Clichés de campagne[fn]L’accès au public étant restreint à la Maison de la Radio, les personnes souhaitant y assister devront prendre rendez-vous. Les informations prochainement sur le blog « Clichés de Campagne », qui permet déjà d’avoir accès à l’intégralité du projet.[/fn], ont donc laissé une place pour les éléments qui ne venaient pas d’eux, en ajoutant à leurs images collées au mur comme de vulgaires affiches de campagne, quelques exemples de tweets. « Plus encore qu’en 2007, le web, avec Twitter et les images amateurs, ont pris de l’importance, analyse Lionel Charrier. Nous devions donc les prendre en compte. »

Photojournalisme vs. Com’

« Notre but est de trouver l’image qui n’est pas celle autorisée, continue-t-il. La com’ complique notre travail. Ils ont peur du faux-pas par l’image. » Etre photographe en temps de campagne implique donc de devoir négocier, avec les équipes du candidat, dont les méthodes diffèrent. « Avec Nicolas Sarkozy, c’est une machine de guerre, la scénographie est étudiée au millimètre près… Mais parfois, des brèches se créent. » François Hollande, pour ne citer que les deux finalistes, serait un peu plus abordable. « Ce qui s’explique sans doute par le fait qu’il n’était pas président avant. Mais lui-même ne voulait pas de gardes du corps au début… Ce qui a dû changer avec l’épisode de l’enfarinage. » Mais finalement, tout tient à l’équipe de campagne : service presse qui facilite le travail des journalistes, communicants qui filtrent… et service d’ordre. « Il est bien évidemment plus facile de photographier les petites candidats », confirme Guillaume Binet.

Clichés de campagne | Photo Audrey Minart

Leur meilleur souvenir de cette campagne ? Pour Guillaume Binet, il date des primaires socialistes. « Les candidats étaient beaucoup plus accessibles. » Pour Lionel Charrier ce fut un « moment de proximité » avec François Hollande lors d’un meeting en Champagne-Ardenne. « Il est longuement venu discuter avec nous dans le bus. Je l’ai senti très à l’écoute. » Ulrich Lebeuf fut frappé par les bains de foule de François Hollande après son dernier meeting à Toulouse. « C’était très étrange, j’avais le sentiment de photographier une victoire… »

Concernant leur pire souvenir, les réponses convergent également. « Le 1er mai place du Trocadéro pour le meeting de Nicolas Sarkozy, se rappelle Lionel Charrier. Travaillant pour Libération, je suis habitué à des réactions pas très amicales venant de l’UMP ou du FN. Mais là j’ai été choqué : on nous insultait, nous bousculait… Pour avoir la paix, j’ai fini par répondre à un militant que je travaillais pour l’Aurore… » Même constat d’Ulrich Lebeuf, lors du passage à Toulouse de Nicolas Sarkozy. « Ça devient extrêmement compliqué de travailler sur ses meetings. » Guillaume Binet, lui, a suivi le dernier meeting, à Toulon : « Des militants m’ont menacé de me sortir ‘à coup de tête’. »

L’impossible objectivité du photographe ?

Clichés de campagne | Photo Audrey Minart

Shooter un candidat dont les idées rebutent peut induire quelques difficultés pour ces photographes, qui ne dissimulent absolument pas leur inclinaison à gauche. « Photographier Jean-Marie Le Pen pour Libération en 2007 était intéressant, sourit Lionel Charrier. Nous pensons en permanence à cette question de neutralité quand on choisit les photos à donner, ou non, au journal. L’important est de ne pas tomber dans une caricature outrancière. » Guillaume Binet, lui, tranche: « Je considère qu’il n’y a aucune impartialité à avoir. Ce qui est important c’est que nos photos soient signées. Nous sommes des Hommes, il est impossible d’être objectif. » Même réaction pour Ulrich Lebeuf : « J’ai toujours eu, en tant que photographe, un discours de subjectivité assumée. »

Autre aspect d’importance pour ces photographes indépendants : le support de diffusion. « A l’AFP, qui a d’excellents photographes, ne sont publiées que des images très stéréotypées. » Une exigence à laquelle ils ont pu échapper grâce à ce projet, mais aussi avec d’autres collaborations, Guillaume Binet avec les Inrockuptibles, notamment et Lionel Charrier avec Libération. « Nous avons pu montrer et publier d’autres types d’images. »