Son nom, inchangé, il le doit au rocher situé juste en face de sa côte escarpée. Sa situation est indéniablement exceptionnelle. On y admire une vue sur mer à 180°. Ses mets, toujours aussi délicieux, sont concoctés par le chef Arnaud Beruel. En fait, ce qui a changé, mais pas tant que ça, c’est le restaurant en lui-même. Après avoir accidentellement brûlé en juillet 2008, il n’était pas question pour Jocelyne et Roland Beaumanoir, propriétaires, de ne pas reconstruire le Bénétin. Le couple fait alors appel à Hervé Perrin, son architecte de prédilection, avec lequel il a déjà travaillé.
Une histoire
Malgré une allure de cabane faussement sophistiquée, des cuisines qui n’étaient pas aux normes et un parquet qui craquait à chaque pas rapide des serveurs, l’ancien Bénétin était un lieu convivial et très apprécié. Un endroit où il était agréable de venir boire un thé au beau milieu de l’après-midi, manger tôt pour admirer le coucher de soleil ou encore se faire bercer par une tempête. Ce bâtiment, avec toutes ses imperfections architecturales, avaient su, au fil du temps, laisser son empreinte dans le paysage. Et lorsqu’il brûla, il manquait quelque chose. « La plus grosse contrainte du projet, résume Hervé Perrin, lui-même un habitué des lieux, c’était de ne pas trahir l’âme du bâtiment. Il ne fallait pas de rupture avec l’histoire, l’écriture à adopter devait être ancienne. » La volonté d’améliorer le bâti en préservant une identité passe par des améliorations techniques et spatiales. Les matériaux se chargent du reste.
Sa fonctionnalité
Son implantation a été reculée de trois mètres pour laisser libre le chemin des douaniers, chemin côtier malheureusement pas encore aménagé. Le bâtiment a aussi été surélevé de 1,20 mètre. Conséquence : une vue sur mer plus dégagée, la création d’une cave et d’un vivier au sous-sol. La salle possède désormais un espace plus intime où des repas-conférences peuvent avoir lieu ; le nombre de couverts a également augmenté. Quant à la cuisine, c’est l’affaire d’Arnaud, le chef : « j’ai tout simplement expliqué au cuisiniste, ainsi qu’à Hervé, mon fonctionnement et les éléments ont été disposés de manière à travailler vite et bien. C’est beaucoup plus fonctionnel qu’avant ». A l’extérieur, côté cuisine, son jardin d’aromates sert non seulement à agrémenter vos plats mais constitue un élément décoratif extérieur. Un bel accueil, bien pensé.
Mieux qu’avant ?
Un coup d’œil rapide. Le visiteur a l’impression qu’il ne s’est rien passé. Le gabarit, la forme, l’emplacement des vitrages, l’accès sont pratiquement identiques. Plus on se rapproche, plus on remarque les petits détails qui rendent désormais le Bénétin différent. Hervé Perrin est un amoureux des matériaux et pour créer ce caractère ancien, il n’hésite pas à allier l’authentique à l’artifice. « Le bois utilisé en bardage extérieur vient du Canada. Il constituait un hangar vieux de plus d’un siècle. La brutalité du matériau est intacte. » En effet, on a le sentiment qu’il a vieilli au cours des tempêtes bretonnes, sa rugosité est autant visible à l’œil nu qu’au touché. « Par contre, la porte d’entrée, elle, est en aluminium. Cette impression d’acier rouillé est obtenu avec une peinture. Les murets sont en béton. On y a ensuite collé de la pierre, effet pierre sèche. » L’illusion est parfaite. A l’intérieur, la charpente en bois massif, très sobre, fait ressortir la noblesse du matériau. La charte des couleurs est identique, le rouge et le gris y sont largement représentés. Ce choix de couleurs mêlées à une lumière tamisée et la présence majeure du bois rendent le lieu très chaleureux et intime. Du mobilier à la vaisselle, aucun détail n’a été laissé au hasard. « Tous ces choix ont été longuement discutés avec Jocelyne et Arnaud. Cela permet de donner une plus-value au projet. Le travail d’équipe permet de se remettre en cause et sert forcément, à terme, le bâtiment », précise Hervé.
Les clients et les curieux sont instinctivement attirés vers la mer. Ils traversent le restaurant pour aller directement sur la terrasse. Celle-ci a d’ailleurs été traitée comme l’intérieur : un espace plus intime est directement lié à la salle de conférence avec son propre accès et le reste de la surface, dédié à la mer, communique directement avec l’espace principal. Recouverte d’ipé, un bois exotique, elle est agencée avec du mobilier de salon pour l’apéritif ainsi qu’avec des tables et des chaises design, plus adéquates pour déjeuner. Afin de respecter l’esprit marin, des voilures de bateau s’enroulent et se déroulent électriquement pour protéger du soleil… ou de la pluie, diront les plus mauvaises langues !
Le sentiment est donc unanime. « C’est le même, en mieux, et on y mange toujours aussi bien. » Le bâtiment s’intègre au paysage et donne effectivement l’impression d’être là depuis des années. Le pari est gagné. D’autant que, depuis sa réouverture en avril 2010, le restaurant ne désemplit pas. Accroché à son rocher, le Bénétin attire tout autant les pupilles que les papilles. Reste à vous souhaiter un bon appétit !