Commençons par les points communs. The Descendants[fn]The Descendants, 2011, Etats-Unis, réalisé par Alexander Payne (1h50).[/fn] et Les Papas du dimanche[fn]Les Papas du dimanche, 2012, France, réalisé par Louis Becker (1h30).[/fn], en salles depuis hier, sont deux adaptations de romans. Ils mettent en scène des pères de familles trompés par leur femme. Dans les deux cas, ils refusent qu’on leur fasse le coup des "torts partagés" – comprendre : aucune remise en question, ils n’y sont pour rien si leurs épouses sont allées voir ailleurs. Des épouses qui n’ont pas leur mot à dire. Dans The Descendants, madame est dans le coma – ce qui est effectivement une bonne excuse pour ne piper mot – alors que celle que l’on aperçoit dans Les Papas du dimanche doit se contenter de dix lignes de scénario (et du mauvais rôle dans tous les sens du terme). Les deux films se placent donc du point de vue du père détruit, de l’époux trompé, du mari marri. Et à chaque fois, le scénario s’achève après qu’une cellule familiale, recomposée, s’ébauche. Les lignes de convergence s’arrêtent là.
Poursuivre le jeu des comparaisons s’avère cruel pour Les Papas du dimanche. D’un côté, The Descendants, chronique au ton doux amer qu’Alexander Payne (Monsieur Schmidt, 2002 ; Sideways, 2004) maîtrise avec dextérité. De l’autre, Les Papas du dimanche, donc, calibré comme un téléfilm, flottant sur un écran trop grand pour lui. Ce qui cloche ? Un scénario qui peine à passionner le spectateur. Une histoire de père qui claque la porte de la maison familiale suite à l’infidélité de sa femme et qui tente de se reconstruire, de bâtir une nouvelle vie. Le film ne chante jamais le couplet « mes enfants, ma bataille », n’interroge que superficiellement la place du père dans la séparation. Tout reste très anecdotique et centré sur ce personnage. Le pluriel du titre pose question. Ce père est-il censé représenter tous LES pères divorcés ayant la garde de leurs enfants le week-end ? Cet éventuel propos universaliste ne saute pas aux yeux.
Pour son premier film, Louis Becker, fils de Jean (L’été meurtrier, 1983 ; Les enfants du marais, 1999 ; La tête en friche, 2010), petit-fils de Jacques (Casque d’or, 1952 ; Le trou, 1960…), ne fait pas montre de la même réussite que son père quand il s’agit de faire surgir les émotions et la complexité de Monsieur-et-Madame-Tout-le-monde. Pourtant, on sent qu’il cherche à s’approcher de l’humain, à susciter de l’empathie pour des personnages qui pourraient nous ressembler. Dommage.
Les Papas du dimanche échoue là où The Descendants fait merveille, servi par un scénario brillant. Avec ce personnage d’avocat hawaïen qui voit sa vie bouleversée le jour où sa femme sombre dans le coma, George Clooney a sans doute trouvé son meilleur rôle jusqu’à présent. Alors qu’il doit gérer la situation tout en s’occupant de ses filles, de 10 et 17 ans (Shailene Woodley, dans le rôle de cette dernière est une vraie révélation) et en finalisant la vente de terres héritées de sa famille, il apprend que sa femme en aimait un autre et cherche à en savoir plus. L’histoire se construit autour de ces différents axes (l’épouse à veiller, le rôle de père à assurer, l’amant à débusquer, le terrain dont il faudrait se séparer) sans en négliger aucun, ni nuire à la cohérence de l’ensemble.
La comédie de mœurs, le récit familial, le drame personnel et l’absurde ordinaire se mélangent parfaitement et le décor hawaïen, plus réaliste que les clichés d’office de tourisme, confère une dimension encore plus singulière au film. Vainqueur de deux Golden Globes[fn]Meilleur film dramatique, meilleur acteur (drame) pour George Clooney.[/fn], nommé cinq fois[fn]Meilleur film ; meilleur réalisateur pour Alexander Payne ; meilleur acteur pour George Clooney, meilleur scénario adapté pour Alexander Payne ; Nat Faxom et Jim Rash ; meilleur montage pour Kevin Tent.[/fn] aux prochains Oscars, il faudra compter, dans la course aux récompenses, sur The Descendants. Et sur ce père aux douleurs muettes.