Paris, ses monuments, ses illuminations… et son mètre carré hors de prix. En octobre 2012, ce dernier atteignait un record estimé, en moyenne, à 8.440 euros… Alors l’annonce lue dans les pages d’un gratuit du métro attrapé à la volée sur le quai, d’un 38 m2 à vendre dans le 20e arrondissement de Paris, métro Télégraphe, avec la mention “mise à prix : 10.000 euros” intrigue.
Pourtant, la signification de “mise à prix” est limpide : l’appartement sera vendu aux enchères, au plus offrant. Un moyen d’échapper à la flambée du mètre carré ? Citazine a voulu en avoir le coeur net.
Première étape : la visite
De l’extérieur, la première impression est bonne : la facade de l’immeuble est impeccable, probablement retapée il y a peu. En s’engouffrant dans la cour, impeccable elle aussi, on passe sous un porche pour arriver dans la deuxième cour. A droite, l’entrée de l’immeuble ; en face, une allée où s’alignent des ateliers.
L’appartement est au deuxième étage, d’un immeuble qui en compte sept. Devant la porte, première surprise : c’est un flic qui gère la régulation du trafic des visiteurs, façon grands boulevards aux heures de pointe. Les visites s’enchaînent, l’attente ne dure pas. L’appartement est grand : 38 m2 (cuisine, salle de bain, salon, chambre, couloir), lumineux (orienté Sud-Ouest), sans vis-à-vis. Deuxième surprise : l’appartement est meublé et la visite se transforme quelque peu en rendez-vous dominical chez mamie. Les bibelots vieillots s’entassent sur des meubles entreposés dans un renforcement de la pièce, à côté du piano. Dans le salon comme dans la chambre, armoires et étagères débordent de livres et de vêtements. Troisième surprise : vitres cassées, compteur électrique out of date, peinture qui s’écaille, parquet ultra-fatigué, cuisine vidée, l’appartement est dans un sale état, difficilement habitable en l’état. Au doigt mouillé, le montant des travaux minimum avoisine les 15.000 euros.
Outre le flic, est présent sur place un discret huissier, bien loin de l’agent immobilier au sourire ravageur et à l’argumentaire acéré, qui connaît par coeur l’historique de l’appartement. Non, l’huissier n’en connaît rien. De ses propres dires, son rôle se borne “à ouvrir les portes de l’appartement aux gens qui veulent le visiter […] un appartement à vendre sur décision de justice”. Il explique que les meubles présents pourraient être donnés avec l’appartement lors de sa vente, qui devrait partir “aux alentours de 320.000 euros”.
Le SAV (service avant-vente), c’est finalement une voisine qui passe dans la cour qui s’en occupe. Aux visiteurs curieux, elle assure que l’appartement à vendre “n’a pas été habité depuis longtemps” et que “c’est une dame qui est partie”. C’est tout ce qu’il sera possible de savoir sur l’histoire des lieux.
Deuxième étape : le Palais de justice
Une semaine après la visite, la vente. Ne passez pas par la case notaire et allez directement au Palais de justice, où se dérouleront les enchères.
Impossible de se passer d’un avocat, et des frais l’accompagnant : lui seul pourra enchérir. Pour l’anecdote, en 2012, au coeur de Paris, la vente aux enchères se fait toujours “à la bougie” (oui, avec de vraies bougies) ce qui enveloppe la chambre des criées du Palais de justice de Paris d’une atmosphère délicieusement surannée.
Ce jour là, une dizaine de biens seront mis en vente. Une demi-heure après le début, arrive la vente de l’appartement du 20e. La mise à prix est connue : 10.000 euros. En moins de cinq secondes, les enchères fusent, le prix s’envole, multiplié par 15. Puis vient la mélodie des chiffres. “Cent soixante dix mille” lance un avocat. “Cent soixante onze mille”, poursuit son confrère. Quelques secondes d’attente, et ça repart : “cent soixante quinze mille”, ajoute un troisième.
“Vous allez voir, ça va encore monter. Souvent, le prix des appartements à vendre aux enchères dépasse le prix du marché”, assure une dame dans la salle, venue par curiosité.
Les enchères continuent et franchissent la barre des 200.000 euros. “Deux cent un mille” annonce un avocat, insistant lourdement sur le “un”. “Deux cent deux mille” renchérit son confrère, insistant, lui aussi, sur le “deux”.
Le suspense durera encore quelques minutes, le temps pour les avocats de faire leurs ultimes offres. L’appartement sera finalement adjugé à 219.000 euros.
Une somme à laquelle il faut ajouter les “frais préalables” – en l’occurrence de 12.123 euros – ainsi que les honoraires de l’avocat et divers autres frais , ce qui place le metre carré de l’appartement au-dessus de 6.000 euros, légèrement plus que la moyenne du marché, évaluée, d’après meilleursagents.com autour de 5.800 euros ; mais bien en deçà de l’estimation de l’huissier qui prédisait, le jour de la visite, un prix d’acquisition à 320.000 euros. Et pour info, l’appart’ nous est passé sous le nez !