[L’été, c’est aussi l’occasion de redécouvrir certains papiers de Citazine. La rédaction vous propose de vous replonger dans les souterrains de l’ancienne porcelainerie de Paris devenue club échangiste. Article publié initialement en avril 2013]
C’est un club libertin qui sort (un peu) de l’ordinaire. Non pas qu’il innove sur son fonds de commerce, mais plutôt dans le lieu qu’il a investit : une ancienne porcelainerie du 18e siècle, au pied de la butte Montmartre. Gang-bang dans l’ancien four à vaisselle ou coquineries dans un immeuble de 250 ans, ça vous tente ?
Le Château des Lys, c’est son nom, est installé juste derrière la mairie du 18e arrondissement de Paris. De l’exterieur, le bâtiment et sa petite tour quasi-moyennâgeuse, supportée par deux petits murs défraichis, intrigue et ne laisse rien paraître des activités intèrieures. Ne vous attendez pas à apercevoir quoi que ce soit à travers les vitres : les rideaux opaques sont constamment tirés. Devant, seule une plaque annonce le nom du club, et la couleur : “entrée réservée aux adultes”. Vous êtes prévenus.
Les responsables du club, ce sont eux : Murielle et Patrice. Ce couple libertin d’une quarantaine d’années a récupéré l’établissement par un concours de circonstances – sur lequel il ne s’attarde pas – et a poursuivi dans la même veine que la précédente activité du lieu : le libertinage. L’encanaillement. L’acoquinement.
Lieu de plaisir pour Henri IV
Dans le sas d’entrée, Patrice n’en finit plus de claquer des bises et de flatter quelques croupes, sous l’oeil de sa compagne. Et est ravi de distiller ses connaissances sur l’histoire du bâtiment, saupoudré des anecdotes croustillantes de Murielle. Il explique que ”l’endroit était un lieu libertin depuis la fin des années 90, quand ils l’ont repris, connu sous le nom du Donjon”. Et avant ? La bâtiment semble avoir eu plusieurs vies. Selon le ministère de la Culture, certains éléments de l’édifice datent du 18e siècle. D’autres, comme la tourelle, remonterait au 15e siècle. “La rumeur dit que le lieu était connu comme lieu de rencontres et que Henri IV – alors roi de France de 1589 à 1610, ndlr – venait y sauter ses maîtresses !”, assure Murielle. Une rumeur un chouilla complexe a vérifier – dont on retrouve quelques traces sur le net – mais qui ainsi narré, contribue à la sexualisation de l’atmosphère.
Une centaine d’années plus tard, le bâtiment est devenu la manufacture de porcelaine de Clignancourt, en 1770. “C’était la porcelainerie du roi Louis XV”, assure Patrice. Le commerce aura duré un temps, avant de péricliter avec la fuite de la clientèle aisée après la Révolution. La manufacture de porcelaine baissera le rideau en 1799.
Pas de trip donjon, mais une cave SM
Qui aurait pu prévoir que le four à porcelaine connaitrait une tout autre utilisation 200 ans plus tard ? A la cave, sous la voute en pierre, terminée la cuisson des pièces de vaisselle. Le lieu est dédié aux pratiques sado-masochistes. On y trouve une croix de Saint-André, un sling et une table tournante. Patrice ne s’embarrasse pas de circonlocutions pour expliquer cette dernière : “c’est pour les gang bang ! C’est d’ailleurs la seule partie SM du club actuel, détaille-t-il, vestige de l’ancien établissement 100 % sado-maso. Quand nous l’avons repris, cette image nous collait à la peau ; on a voulu s’en débarasser et faire plus glamour, pour attirer une autre clientèle… tout en en gardant une petite partie”, explique Patrice.
Car le libertinage, c’est aussi une affaire de marketing. Pénétrons un peu plus les lieux pour le constater. Outre la cave que vous connaissez déjà, le rez-de-chaussé est, lui, divisé en deux parties : une piste de danse et un restaurant. “Nous avons abbattu des cloisons et transformé l’espace, qui était SM, en lieu de restauration. Ça apporte une touche de convivialité. A table, les rencontres sont différentes. On prend le temps de discuter”, assure Murielle.
La température monte au fur-et-à-mesure que l’on s’aventure dans les étages. Satyres, déesses plantureuses (et presques nues), lits à baldaquins et voilages, végétalisation (en plastique) des lieux, skaï rouge sur les lits, la décoration a été (re)faite sur-mesure “par un décorateur de théatre” dont Patrice taira le nom. Question de discretion. “Ca permet de toucher une clientèle plus féminine. Les mecs, les lustres en verre, ils s’en foutent pas mal. Alors que les nanas, ça les botte comme ambiance. Et si les nanas viennent et reviennent, les mecs font pareil”. La petite tour, bien visible de l’exterieur, accueille un lit rond pour la fornication à deux, ou à plusieurs, mais point de trip maîtresse du donjon. Le tout, sous l’oeil de ses voisins. Plus loin, les recoins et les miroirs se font plus nombreux et débouchent sur d’immenses douches.
Le boost d’Internet
La clientèle du lieu ? Principalement des quadragénaires… et une hausse significative des trentenaires “depuis plusieurs années, souligne Patrice, “avec des quinqua, et même des sexa”. Pour expliquer la tendance, il évoque internet : le développement du libertinage, c’est grâce au web : “aujourd’hui, le porno qu’on trouve sur le net, c’est fait pour les hommes, et uniquement les hommes. Alors que le libertinage, ça se vit en couple”. Les soirs de week-end, entre 150 et 200 personnes poussent les portes du château. “Le libertin, ça peut être n’importe qui, conclut Patrice. Votre voisin, votre collègue de boulot, un membre de votre famille.”