Anatomie du court métrage

Anatomie du court métrage

Anatomie du court métrage

Anatomie du court métrage

Au cinéma le

La 16e édition du festival de Contis, dans les Landes, a eu lieu du 15 au 19 septembre. Ce fut l'occasion de découvrir, dans une ambiance balnéaire et détendue, voire gentiment foutraque, une cinquantaine de courts métrages (de 5 à 35 minutes pour la plupart), en compétition ou non, de styles très divers et de qualité variable.
D'où l'idée d'établir une petite typologie des tendances en cours dans le court, sans prétendre bien sûr à l'exhaustivité.

Le "très court" de petit malin

Il dépasse rarement les dix minutes et est fondé sur un concept, une chute inattendue ou absurde, une façon de raconter qui se veut originale et fait ainsi oublier l’absence d’intérêt de l’histoire. Ces films sont souvent plaisants à regarder, recueillent parfois les faveurs du public (mesurées à l’applaudimètre approximatif à Contis), mais s’avèrent tellement insignifiants et pauvres en cinéma qu’on les a généralement oubliés trois jours après. Les plus doués de leurs auteurs peuvent espérer faire carrière à la télé ; certains passent au long métrage, ce qui est rarement une bonne idée.

Quelques belles exceptions quand même : Dédidace d’Olivier Chrétien, une habile succession de quiproquos avec Jacques Bonnaffé et Aïssa Maïga ; Bukowski du Néerlandais Dann Bakker (prix spécial du jury et Ciné+), où un garçon de dix ans se prend pour le célèbre écrivain américain (en moins trash, quand même) ; ou En boîte de Mathieu Pasquier, bien fichu même si son imaginaire post-Brazil commence à dater.

 

L’animation "d’auteur"

Mener à bien un projet de long métrage d’animation demande beaucoup de ténacité, surtout si l’on n’a pas Disney ou Pixar derrière soi. Le format court semble donc mieux adapté et laisse une grande liberté à des auteurs qui se font la main. Pas de films exceptionnels cette année. On distinguera quand même La femme à cordes de Vladimir Mavounia-Kouka, pour son traitement de l’image rappelant Valse avec Bachir et son utilisation remarquable de la voix unique d’Eloïse Decazes, chanteuse du duo Arlt.

 

La comédie de situations made in France

Là aussi, dégagés des contraintes de rentabilité, les réalisateurs font souvent preuve de davantage d’audace et d’imagination que dans le long, où dominent les œuvres calibrées. Malgré ses maladresses, on a bien aimé le Portrait d’un amoureux de et avec Aurélien Deschamps, très drôle par moments, qui rappelle les premiers films de Philippe Harel, d’Emmanuel Mouret ou de Bruno Podalydès.

Mieux encore, Je pourrais être votre grand-mère de Bernard Tanguy (dont on avait déjà apprécié le court métrage précédent également montré à Contis, Schéma directeur, avec le même acteur, Jean-Toussaint Bernard). A la base, une histoire vraie, celle de Joël, avocat dans un cabinet parisien qui décide d’inventer des pancartes "à slogans" pour les sans-abri de son quartier (ceux-ci jouent d’ailleurs leur propre rôle dans le film). 

A l’arrivée, un film sensible, finement mis en scène, qui refuse autant la sinistrose sociale que la bonne conscience : le personnage sait bien que ses trouvailles, même efficaces (interpellés par les pancartes, les passants donnent plus volontiers une pièce) ne vont pas résoudre le problème de la pauvreté dans le monde… Un prix du public peu surprenant mais mérité.

 

L’ofni (objet filmique non identifié)

Personnages énigmatiques, intrigue plus ou moins compréhensible, tentations expérimentales… On est parfois fasciné, quand le réalisateur (à peu près assuré de ne recevoir aucune récompense) possède un univers visuel et sonore vraiment fort, mais le plus souvent, on est bien content qu’il s’agisse d’un court métrage.

 

Le film sur les rapports père-fils

En passe de devenir un genre en soi, et un sous-genre du film naturaliste à la française influencé par Pialat ou Rozier. Une relation forcément difficile et conflictuelle qui s’adoucit (Sortir) ou non (Sortie de route) sur la fin. Des notes justes, mais rien de très neuf. Dans la variante mère-fils, La Noyée de Mathieu Hippeau s’avère plus convaincant, notamment grâce à la présence de la toujours merveilleuse Marie Rivière (vue notamment chez Rohmer) dans le premier rôle. Guillaume Brac explore, lui, une relation mère-fille dans Un monde sans femmes (déjà apprécié aux Rencontres de Brive) : de loin le plus beau du lot, mais un peu hors catégorie – et d’ailleurs montré hors compétition – puisqu’il dure près d’une heure.

 

Le film fait pour passer à la télé

Grenouille d’hiver de Slony Sow, avec Gégé Depardieu dans le rôle d’un viticulteur (on ne sait pas si c’est son propre domaine qu’on voit à l’écran). Pas nul, mais quand même tout à fait oubliable.

 

Le film engagé, à message, sur un problème de société…

Une vaste catégorie où le pire côtoie le meilleur, les grandes et belles idées (la guerre c’est mal, le monde est injuste, le sort des immigrés clandestins est terrible, etc.) ne faisant évidemment pas toujours les grandes œuvres. Ainsi, on est content que des réalisateurs tournent des courts métrages avec des adolescents dans le cadre d’ateliers, mais on se demande souvent pourquoi il faudrait absolument qu’on les voie…

D’où la bonne surprise de Jeunesses françaises de Stéphan Castang : des lycéens se succèdent face caméra, répondant aux questions d’un conseiller d’orientation hors champ. Une étude de caractères fine et drôle, voire vacharde, aux accents de cinéma-vérité (difficile de faire la part du documentaire et de la fiction). Et certainement l’un des plus petits budgets de la compétition.

Plus ambitieux formellement, On ne mourra pas d’Amal Kateb est une évocation tendue et puissante de la guerre civile algérienne dans les années 90, qui joue sur les non-dits et, là encore, le hors champ. La France qui se lève tôt d’Hugo Chesnard aborde le problème des sans-papiers sous la forme d’une comédie musicale très stylisée : bonne idée pour un film qui reste malheureusement trop didactique. Un piège auquel échappe le remarquable Expiration de Cheng-Chui Kuo, qui autopsie avec une rage froide la violence des rapports sociaux à travers la révolte d’un jeune intérimaire employé dans un supermarché.

Et puis, il reste évidemment des films n’entrant dans aucune catégorie pré-établie, et qui sont souvent les plus intéressants en termes de mise en scène. Citons notamment Et ils gravirent la montagne de Jean-Sébastien Chauvin, Elena de Yannick Muller, et surtout Douce de Sébastien Bailly, avec Lise Bellynck (actrice rare déjà croisée chez Brisseau). Le grand prix du jury a logiquement récompensé l’histoire très forte de cette jeune aide-soignante solitaire qui se rapproche un peu trop d’un patient plongé dans le coma. Bonne nouvelle : contrairement à beaucoup des films vus à Contis, Douce sera prochainement projeté à Paris, et diffusé à la télé. Mais sans l’applaudimètre à la fin.

 

> Projection de Douce le jeudi 29 septembre à 20h30 à la Cinémathèque française, et le mardi 11 octobre à 20h30 au MK2 Quai de Seine, en présence du réalisateur.
Diffusion sur France 2 le dimanche 16 octobre à 0h30 dans
Histoires courtes (suivi d’une interview de Sébastien Bailly).

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