"Attends, tu n’as pas encore fini Gossip Girls ?”, “Non mais pour qui elle se prend elle, à cafter auprès de Jean-Marc ?”, “Mais il est troooooop beau ton pull ! ”. Peut-on résumer l’ambiance à ces quelques phrases ultra-clichés qui traînent dans l’imaginaire collectif ? La réponse est non. S’il y a bien quelques vérités, il y a surtout des clichés à la pelle. Et il y aurait même quelques avantages à bosser entre nanas. Si si.
Oui les filles parlent de trucs de filles. So what ?
“Nous sommes une dizaine dans mon open space. Que des nanas. Les conversations sont très girly – fringues, maquillages, mode – mais ça tient aussi au secteur, le luxe, dans lequel je travaille.” Mathilde, 23 ans, l’assume : elle travaille avec des femmes et les sujets de conversations sont donc très féminins. A son arrivée, elle reconnaît que ce fut un bon moyen d’intégration : “Mes collègues ont été épatées par mes chignons. J’ai même dû donner des cours pour leur expliquer comment faire !”
Ania, 30 ans, communicante dans la région bordelaise, travaille aussi avec des femmes ; une dizaine dans son service. Mais elle vit moins bien la situation : “Entre les discussions de mode et de fringues, de fringues et de mode, la boite où je bosse c’est vraiment un cliché ! Je suis une fille, mais ça me fait quand même vite chier”. Surtout, Ania déplore les facilitées qu’ont ses collègues à casser du sucre sur le dos des autres collègues : “Dès que ça peut tailler…" . Elle philosophe pourtant : “C’est une attitude humaine”. Avant d’attaquer : “Mais entre filles, ça a tendance à durer un peu trop longtemps…”
Un monde fait par et pour les hommes
Frivolité et petits coups sont-ils pour autant toujours de rigueur ? “Non, assure Mathilde. Il y a une grande solidarité entre nous. D’une part, nous n’avons pas de liens hiérarchiques, et d’autres part nous avons des âges différents, de 30 à 55 ans”. Pour la jeune femme, ceci expliquerait en partie celà.
Quand au crépâge de chignon… “Pitié, c’est un cliché monstrueux”, tonne Anne-Cécile Sarfati, auteur de Être femme au travail. Celle qui est aussi rédactrice en chef adjointe du magazine Elle est catégorique : l’ambiance au travail entre femmes ne se résume surtout pas à ça. Et elle n’est pas plus mauvaise entre femmes qu’entre hommes.
Le problème, d’après elle, c’est que “le monde du travail a été fait par les hommes, pour les hommes”. Alors forcément, entre les hommes et les femmes, il y a des décalages de perception des relations entre collègues. Enfin, “les hommes, s’ils échouent dans une mission, se remettent rapidement en selle et replongent dans la compétition, comme si c’était un jeu sportif”, souligne-t-elle.
Autre explication, donnée par Louise Doucet, consultante canadienne en santé au travail : “Pour la femme, les relations interpersonnelles en milieu de travail sont très importantes. Elle a tendance à prendre pour personnelles les choses qui surviennent au quotidien […]”, explique la consultante. “Les hommes ont un rapport au travail plus distancié, ajoute Anne-Cécile Sarfati. Les femmes auraient peut-être plus tendance à prendre les choses un peu plus à coeur…”
Bosser entre femmes a ses avantages
Mais tenez-le vous pour dit messieurs : bosser entre femme a ses avantages. “Sans que les choses aient été pensées, il y a des règles de fonctionnement interne dans les univers de travail purement féminin qui sont différentes”, explique Anne-Cécile Sarfati. En résulte notamment “un temps de présence sur le lieu de travail différent de ce qu'il se passe dans les entreprise où il y a beaucoup d'hommes, où c'est encore le présentéisme qui prévaut."
Le présentéisme ? Vous savez, ce système qui valorise d’avantage le temps de présence dans les bureaux que les résultats obtenus. Un système black-listé par les femmes, et une conception de la vie en entreprise plus moderne pour l’auteur : “A Elle, il n’y a pas de réunion de travail le vendredi à 18h, assure-t-elle. La question de la vie privée est spontanément intégrée à la vie professionnelle.”
Autre avantage, énoncé par Mathilde : “Au boulot, j’apprends tous les jours, ou presque, sur la vie de femme.” La phrase est on ne peut plus sérieuse : “Dans notre open space, on parle beaucoup de grands sujets très féminins, où quand tu as mon âge, tu reçois un peu ton éducation : les relations de couple, la maternité et l'accouchement, la ménopause ou encore devenir grand-mère.”
L’équipe mixte, la solution ?
Oui, et non. Tout semble dépendre de comment est vécue la situation. Ania, avec qui les relations avec ses collègues féminines, sont cordiales, sans plus, aimerait que l’équipe soit plus mixte. “Je pense que c’est plus simple de bosser avec des équipes mixtes. Ca se complète bien et, accessoirement, on se marre plus”, explique-t-elle.
Pour Mathilde, en revanche, vu que tout se passe bien, elle ne voit pas l’intérêt de bosser avec des hommes : “Si l’ambiance était mauvaise, je dis pas non. Mais ce n’est pas le cas”.
"L’idéal pourtant serait la mixité au sens large : de sexe, de culture, d’âge ou encore d’origine", explique Anne-Cécile Sarfati. Et si les relations de travail sont parfois mauvaises entre femmes, rien ne dit que ce ne serait pas le cas si c’était des hommes. L’auteur résume ainsi la situation : “L’ambiance au travail est directement lié à l’esprit de compétitivité, qui est moins une question de sexe qu’une question de crise où chacun doit batailler pour garder sa place.” On ne peut que la croire.