2011, il ne doit en rester que onze

2011, il ne doit en rester que onze

2011, il ne doit en rester que onze

2011, il ne doit en rester que onze

27 décembre 2011

Un Top 10, c'est trop facile. Vincent Le Doeuff, courageux bien que vieillissant chroniqueur musical, a osé pondre le Top 11 des albums sortis en 2011.

Diantre. « Dis-moi, Vincent, ce serait bien cette année que le Top 10 ne soit pas un Top 10, mais un Top 11 parce que 2011, tu vois… » Je me remémore encore douloureusement cette phrase en beurrant ma cracotte ce matin. Diantre (une nouvelle fois), il va falloir réfléchir à un Top 11 pas un Top 10… Quel blasphème ! Et puis ça fait un de plus à trouver, exercice ardu lors d’une année où les National, Sufjan Stevens ou encore Animal Collective n’ont rien pondu.
À un moment, je me dis que ce serait drôle de le faire en prenant un jargon footballistique, parce que onze, Jean-Michel Larqué tout ça quoi… ah ah ah… la poilade. Et la cracotte tombe sur le sol, côté beurré, c’est un signe des Dieux.
En cherchant un peu, je les trouve ces onze albums qui m’ont un peu plus marqué que les autres. Et à la vue des noms, je blêmis, de la même manière que lorsqu’on s’aperçoit que ces cheveux perdus ne repousseront pas, que ces bourrelets, là, ne disparaîtront pas. Bon dieu, quasiment aucune jeune pousse dans cette sélection ! Et si c’était ça le début de la vieillesse, se rendre compte qu’on va bientôt s’abonner à Rock & Folk ?

Allez hop, c’est parti.

Panda Bear –

Tomboy

Bon, parce qu’il faut bien mettre un premier, je choisis Panda Bear, aka Noah Lennox, batteur et tête pensante d’Animal Collective. Le Lisboète a sorti en début d’année un Tomboy qui dévie de ses précédentes échappées solo, et dont on percevait déjà quelques lignes directrices tracées sur MerryWeather Pavillion (d’Animal Collective). Contrairement à l’album Person Pitch, sur lequel Lennox privilégiait les morceaux étirés sur des dizaines de minutes où tout était articulé autour d’un même accord dans une ambiance frénétique, ici l’objectif fut apparemment de construire des morceaux plus succincts, d’expérimenter sa transe caractéristique dans un format beaucoup plus pop. Pour y parvenir, Panda Bear assène une méga dose de reverb pour emporter l’auditeur dans une atmosphère absolument éthérée. Il en ressort l’un des albums les plus cools de l’année. Comme ma sélection se concentre surtout sur des albums cools et un peu hippie, il convient donc naturellement de le mettre à la première place.

Frànçois and The Atlas Mountains – E Volo Love

Trois ans après la sortie du prometteur Plaine Inondable, les Charentais ont sorti un album beaucoup plus ambitieux qui a sacrément buzzé, comme on dit. Tout commence avec un Soyons les plus beaux, tube indie/world par excellence, comme si Dominique A s’était acoquiné avec les Vampire Weekend. Album à plusieurs facettes, E Volo Love se construit autant par des ritournelles intimistes (Bail éternel), de titres rock sous influence africaine (Muddy Heart) et d’un duo à la fois brumeux et limpide (c’est possible !) avec Françoiz Breut.
E Volo Love est sans conteste, l’album le plus frais (parce que le plus cool a été pris par Panda Bear) de l’année.

Other Lives –

Tamer Animals

Ce quintet de l’Oklahoma a sept ans, mais ce n’est qu’en 2011 qu’ils se sont fait connaître avec un album pour le moins ambitieux. Projet du chanteur compositeur multi-instrumentiste Jesse Tabish, Other Lives mêle indie rock et orchestration classique avec une richesse harmonique rare. Et là où de nombreux groupes se seraient cassés les dents avec ce type de projet assez ampoulé, les Others Lives maîtrisent parfaitement leur sujet en nous offrant un album sombre et mélancolique qui rappelle autant les National que les Tindersticks.

 

Beirut –

The Rip Tide

The Rip Tide est vraiment une heureuse surprise. On était tenté de penser que la troupe de Zach Condon allait s’embourber dans son son typique à base de ukulélé et de cuivres balkano/mexicain (on n’a jamais vraiment su). Hé bien non, le baroudeur Condon qui s’est sédentarisé à New York, a finalement réussi à sublimer cette caractéristique un peu trop gonflante à la longue, en l’égalisant avec des ballades piano-voix et de l’électro minimaliste aguichante (Santa Fe). Ainsi, si ces albums précédents, dont les titres pris un par un étaient chouettes comme tout – mais pris les uns à la suite des autres, un peu pénibles – The Rip Tide, lui, s’écoute en boucle avec une fluidité remarquable. Le meilleur de Beirut, assurément.

 

Michel Cloup –

Notre Silence

Bon je l’avoue maintenant, j’avais un peu décroché des albums de Michel Cloup, peu convaincu par les dernières productions de son projet Expérience. Mais le Toulousain est revenu cette année avec un album à vif, rageur et débordant d’espoir.
Notre Silence est un album introspectif, cathartique sans pour autant être narcissique. Cloup arrive à faire résonner son histoire avec l’histoire de chacun. A l’instar de l’autre exDiabologum (Arnaud Michniak), Cloup attaque jusqu’à l’os mais sans tomber dans un nihilisme total souvent, au final, un peu vain.
C’est quand même une curieuse coïncidence que cet album sorte la même année que la reformation (au moins ponctuelle) de Diabologum.

Thomas Mery –

Des larmes mélangées de poussière

On poursuit dans les introspections avec Thomas Mery (ex Purr). La confession est ici beaucoup plus mélancolique. Il s’agit ici de réflexions nues, souvent imagées de manière naturaliste, sur la séparation, la peur du vide et la fatigue du quotidien. Mery aborde sa vision de questions que chacun est toujours amené à se poser plus par nécessité que par envie. Aux fenêtres immenses est sans doute le morceau le plus représentatif de cet album ; long titre de onze minutes tout en arpège, mélangeant chant en anglais et français, parties parlées, parties envolées. Thomas Mery y représente bien tous les sentiments, différents mais pas forcément contradictoires que peut provoquer une émotion.

Bill Callahan –

Apocalypse

Bill Callahan a sorti son quinzième album (quatrième sous son propre nom) au printemps, album fort attendu vu qu’il était en rupture de stock quand je suis allé chez mon disquaire préféré. Puis il a fait une tournée attendue aussi, vu qu’un de mes potes a pris la dernière place au Trianon, juste avant moi… Malgré cette malédiction que j’ai avec cet Apocalypse, il vient naturellement dans mon Top 11. La guitare sèche, la voix grave et mélancolique de Callahan, reconnaissable entre toutes, s’offrent encore à nous avec un backing band au diapason. A la fois country et soul, la musique de l’Américain toujours plus lumineuse que lors de la période Smog, garde toujours la même classe.

Akron Family –

Silly Bears

Les néo hippies d’Akron Family sont beaucoup moins brouillons qu’auparavant et nous ont offert cette année un joyeux album addictif, à la fois tellurique et aérien. Alternant guitares et percussions sauvages avec envolées mélodiques "beachboyennes", ce trio réussit parfaitement son coup. Akron Family prend aussi beaucoup de plaisir dans les impro et aime sortir des chemins balisés, à voir sur scène donc.

Ane Brun –

It All Starts With One

Chaque Top se doit d’avoir un artiste scandinave, la voici (légèrement exotique car elle est Norvégienne et n’a pas collaboré avec Erlend Oye). Et ce n’est pas une jeune pousse non plus, Ane Brun a sorti en 2011 son quatrième album, sans doute le plus réussi.
La véritable entrée de cet album s’ouvre avec le magnifique duo effectué avec José Gonzalez sur Wordships qui nous embarque complètement avec son refrain hypnotique où se confrontent la voix monocorde du Suédois et le chant diapré de la Norvégienne. Toujours doté d’une orchestration impeccable et d’une ambiance menant au frisson, It All Starts With One est sans conteste un album majeur.
Et pour info (merci Julien B.), son nom se prononce "Aneuh Bruneuh", et pas Anne Brin (comme votre voisine en classe de chimie au lycée).

Stephen Malkmus & The Jicks –

Mirror Traffic

L’an passé, on l’avait retrouvé avec la reformation ponctuelle de Pavement, cette année Malkmus nous est revenu avec son cinquième album solo. Mis à part son excellent premier album, la période solo de Malkmus ne m’a jamais vraiment enthousiasmé, j’écoutais juste poliment par respect pour les œuvres passées. Pour Mirror Traffic, c’est différent. Ce n’est assurément pas l’album le plus intéressant de l’année, mais l’ex-Pavement ne nous inonde pas cette fois-ci de solos superflus et l’écriture semble moins poussiéreuse. Est-ce Beck (producteur de l’album) qui aurait tiré les rideaux pour donner un peu de clarté à cet album, ou tout simplement Malkmus qui assume son nouveau statut de vieux rocker ? Malkmus n’a plus l’âge pour faire du punk slacker comme au début des 90’s, et il a bien digéré son revival psyché 70’s. Sur Mirror Trafic, il retrouve son style génial avec ces morceaux bondissants qui se réceptionnent toujours d’une façon non conventionnelle.
Stephen Malkmus étant le mec le plus cool du monde, il a bien entendu sa place dans tout Top d’un chroniqueur vieillissant.

 

Kurt Vile –

Smoke Ring for My Halo

Le dernier petit prodige de Matador Records se nomme Kurt Vile. On l’avait découvert avec les War On Drugs qu’il a récemment quittés pour se consacrer à son projet solo. Légèrement aidé de son groupe de scène, les Violators, Vile s’est doucement extirpé du caractère intimiste de ses précédents albums. Car l’échappée solitaire de Vile flirte plus avec les chemins creux de Nick Drake qu’avec, par exemple, les routes cabossées des War On Drugs. La production met en valeur un sens du songwriting digne des plus grands auteurs folk. A suivre donc.
Kurt Vile peut remercier le Top 11. Avec un banal Top 10, il serait passé à la trappe. Comme quoi, les Tops 11, ont tout de même du bon !