Volume ! fête ses 10 ans en octobre, l'occasion pour Citazine d'évoquer le dernier numéro d'une revue qu'on vous recommande chaudement.
Ami indie, n’as-tu jamais vécu de grands moments de solitude devant un étudiant en sciences humaines qui te parlait de Friedmann, et auquel tu répondais "ah oui il a super bien produit le dernier MGMT" ? Ton interlocuteur évoque Georges Friedmann, le sociologue français du XXème siècle. Alors que toi, tu parles de Dave Fridmann, le producteur de musique.
Volume !, fondée en 1998, par Gérôme Guibert, Marie-Pierre Bonniol et Samuel Etienne, est donc pour toi, car après lecture de ce dernier opus, tu pourras briller en société en annonçant avec des cacahuètes dans la bouche que dans le domaine du rock, "le refus de toute forme de récupération exprime l’aspiration de dépasser une condition vécue comme aliénée, et donc d’ouvrir une perspective littéralement utopienne". Je peux te dire ami indie, qu’à partir de ce moment-là , personne ne viendra la ramener. Depuis 1998, cette revue semestrielle de sciences humaines dédiée aux musiques populaires essaie de t'instruire, ami indie, pour que tu sois un peu plus conscient des choix sociologiques de ta playlist.
Dirigé par Sheila Whiteley, universitaire passée par le mouvement hippie, ce dernier numéro propose une large vue d’ensemble des recherches, regroupant à la fois des textes en anglais et en français, sur l’impact du rock, ses pratiques sociales et culturelles et son héritage sur différentes scènes musicales. Si ce champ d'études reste encore peu étudié, il suffit pourtant de lire l'article consacré à l’impact extraordinaire du morceau Helter Skelter des Beatles dans la contre-culture rock, pour comprendre l'intérêt de ce genre d'analyse.
The Beatles – Helter Skelter
Charles Manson pensait que les Beatles étaient les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, qui, par leurs chansons, lui ordonnaient, ainsi qu'à ses disciples, de préparer l'holocauste en s'enfuyant vers le désert. Manson utilisait les mots helter skelter, dans le sens de « chaos », pour parler de ce soulèvement à venir. Le titre fut repris de nombreuses fois (Siouxie, Vow Wow, Aerosmith, U2…), chaque groupe essayant soit de s’approprier son image licencieuse, soit de vouloir l’en exorciser. En 40 ans, le morceau aura incarner l'échec des sixties, les origines du métal et la peur d'une guerre raciale apocalyptique.
Dans “Les Grateful Dead et Friedrich Nietzsche” , Stanley J.Spector démontre le lien entre transformation de la conscience et transformation de la musique. Pour lui, le groupe de San Francisco dans ses improvisations est un exemple de l’instant présent dont parle Nietzsche quand il formule l’idée de l’Eternel retour du même. (Celle-là je vous conseille quand même de bien la maîtriser avant de la sortir entre le fromage et le dessert). Ce concept signifie revenir à un état d'intemporalité, ainsi l'improvisation ne se situe pas dans le temps, elle n'a pas de début, pas de fin. Ici le rock sort du nihilisme adolescent, la culture psychédélique de groupes comme les "Dead" ne rejette plus le quotidien mais se l'approprie comme un terrain d'expérimentation.
Grateful Dead – Dark Star
A noter aussi le dossier “Fear and Wonder” de Bérenger Hainaut, qui décrit le lien entre les symphonies hollywoodiennes et les progressions harmoniques du Black Metal. L’auteur affirme que l’utilisation d’enchaînements d’accords mineurs à distance de tierce, liées à l’harmonie des médiantes, usitées à Hollywood a nettement influencé les structures des mélodies des créateurs du Black Metal. Ces enchaînements "malsains" entraient parfaitement en adéquation avec l'atmosphère sombre du Black Metal.
John Williams – Duel of the Fates
Burzum – My Journey To The Stars
Volume ! se conclut avec un dossier sur l’utilisation de la musique par l’armée américaine durant la dernière guerre d'Irak et dont je ne vous révélerai aucune des anecdotes croustillantes pour garder le privilège de faire mon malin en société et vous donner envie de découvrir Volume ! .
> Volume !, Contre-cultures, utopies, dystopies, anarchie, Editions Mélanie Seteun, 19 euros, juin 2012.
> Pour son 10e anniversaire la revue Volume ! organise un débat autour des publications universitaires sur les musiques populaires en France. Il se tiendra lors du Salon de la revue à l’Espace des Blancs-Manteaux à Paris de 14h30 à 15h30, le 12 octobre 2013.