Haut en couleurs !

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Haut en couleurs !

26 janvier 2011

Difficile de ne pas remarquer l’immeuble du 124 rue Saint-Maur, à Paris. Le traitement original de sa façade immaculée, parsemée de touches de couleurs surprend. De même que ses étages décalés. L’architecte du remarquable édifice, Olivier Gahinet raconte ses idées colorées.

Diaporama Haut en couleurs ! - La façade ouest | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - Vue depuis la rue des 3 bornes | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - La façade nord | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - La couleur attire l'oeil | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - Le hall d'entrée | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - Une vue imprenable | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - L'appartement bleu | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - Jaune intérieur et extérieur pour le duplex | atelier Olivier Gahinet
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Diaporama Haut en couleurs ! - En descendant la rue St Maur | atelier Olivier Gahinet
Diaporama Haut en couleurs !
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Les travaux se sont terminés au printemps 2010. Depuis, l’immeuble du 124 rue Saint-Maur offre qualité de vie aux occupants et qualité de vue aux passants. Avec une parcelle de cinq mètres de large seulement, il a fallu s’accommoder de cet espace restreint. La forte identité de cet immeuble, destiné à des logements sociaux, participe à cette intégration à son environnement immédiat : la rue et les deux immeubles qui l’encadrent. Les choix assumés de sa façade soulignent la vocation de cet immeuble : être un trait d’union. « Cet objet sculptural a un rôle d’articulation entre ses deux voisins », explique Olivier Gahinet, l’architecte.

Un trait d’union

Inscrit dans une faille de cinq mètres de large et trente mètres de profondeur, le terrain s’allonge entre deux bâtiments construits à des époques très éloignées. Le premier date du début du XIXe siècle ; il fut construit en limite du trottoir. Le deuxième, caractéristique des constructions des années 70, fut édifié en retrait de cinq mètres. L’immeuble contemporain s’encastre dans ces cinq mètres et articule le décalage d’implantation des deux édifices. « Le choix le plus adéquat pour ce type de parcelle était un bâtiment classique sur rue, une petite tour », agrémenté d’un jardin en fond de parcelle. L’immeuble s’accroche, depuis sa base jusqu’au troisième étage, à la construction la plus ancienne, créant ainsi une continuité. Les deux derniers étages sont en recul par rapport à ceux du bas, afin que le haut de l’immeuble s’aligne sur son grand voisin.

Cette profondeur crée ainsi une loggia extérieure, accessible pour les étages organisés en duplex. Là se trouvent l’appartement le plus haut de la tour, sur deux étages. Les trois étages inférieurs et le rez-de-chaussée accueillent chacun un logement. La morphologie choisie permet d’offrir un jardin pour le studio du rez-de-chaussée et une lumière traversante est-ouest pour les quatre autres appartements. Les espaces nuits sont tous disposés coté jardin, tandis que cuisines et salons bénéficient d’une vue dégagée sur la rue. La parcelle, malgré ces contraintes, offre un joli panorama sur la rue des Trois Bornes et confère à l’immeuble une grande visibilité depuis la rue. Cette position géographique a d’ailleurs conforté l’idée « d’une architecture visible ».

La plastique de la façade

L’immeuble étant imbriqué entre deux bâtiments de styles et d’époques différentes, il était essentiel pour Olivier Gahinet de lui façonner une identité propre. Sous peine de se laisser manger par ses charismatiques voisins. L’agence a donc apporté un soin tout particulier à la conception des façades sur rue de l’immeuble. L’idée d’un bardage uniforme constitué de panneaux à base de fibres de bois, a très vite été retenue. « Cependant, il n’était pas question que la façade ressemble à du faux bois », précise l’architecte. Pour cette raison, le blanc, couleur neutre et abstraite, a été adopté. La base était choisie. Restait à dessiner intelligemment « la petite tour » et à l’agrémenter afin de souligner ses formes inattendues.

Afin de faire disparaître la contrainte des cinq mètres de large, l’architecte accentue volontairement l’étroitesse de la parcelle. « Le procédé donne l’illusion d’un choix. » Il divise ainsi la façade sur rue en quatre largeurs différentes, une section fine de panneaux court tout hauteur le long de l’immeuble voisin. Viennent ensuite deux sections de fenêtres, la première étant plus petite. Enfin, interviennent des pavés de verres qui se tournent vers la façade nord.

La couleur a ensuite été appliquée pour mettre en valeur les formes du bâtiment. La bande rouge stabilise la base de l’immeuble. Le lilas, sous la loggia, exacerbe sa hauteur. Un jaune lumineux attire le soleil du nord et se retourne contre le grand voisin. Le noir met le jaune en valeur. « Ces couleurs confortent les articulations de l’immeuble », souligne l’architecte. Celles-ci habillent également la façade nord vouée à la cécité. Le recul de cinq mètres du grand voisin n’autorisait pas la création de fenêtres ouvrantes. Pour parfaire la finition, le hall offre un accueil bigarré et chaque appartement possède sa propre couleur.

Des choix jamais isolés

Lorsque l’on aperçoit cet immeuble pour la première fois, on imagine Piet Mondrian dessiner le bâtiment. Pourtant Olivier Gahinet l’affirme : « à aucun moment, je n’ai pensé à Mondrian même si la référence est flatteuse ». N’empêche, on l’imagine quand même !

Utiliser des contraintes, s’adapter à un environnement, sculpter un bâtiment, l’habiller… autant de choix qui peuvent paraître gratuits mais qui sont pourtant toujours mis en perspective les uns par rapport aux autres. Ce qui est d’autant plus vrai pour cet immeuble atypique du 124 rue Saint-Maur. Olivier Gahinet évoque alors Aragon : « le règne du mentir vrai », citation applicable, selon lui, à l’architecture. « Celle-ci doit être visible, être un cadeau pour la ville. »