« Comme un lundi », une semaine sans fin

« Comme un lundi », une semaine sans fin

« Comme un lundi », une semaine sans fin

« Comme un lundi », une semaine sans fin

Au cinéma le 8 mai 2024

Lorsque deux collègues assurent à Yoshikawa qu'ils revivent la même semaine encore et encore, la jeune femme est très sceptique. Et pourtant… Comédie finement menée sur le thème de la boucle temporelle, Comme un lundi détourne avec malice les affres du milieu professionnel nippon vécu comme une aliénation. Un drôle d'enfer répétitif avec un joli supplément d'âme où seul l'épanouissement personnel permet de ne plus tourner en rond.

C’est une semaine presque comme les autres qui débute dans l’agence de publicité où travaille Yoshikawa (Wan Marui) en ce lundi 25 octobre. Certes, elle et ses collègues ont passé le week-end dans les bureaux pour boucler un dossier urgent pour un client mais rien d’inhabituel jusque-là.

Lorsqu’un pigeon se fracasse sur la fenêtre du bureau, deux collègues s’agitent étrangement. Ils expliquent à Yoshikawa qu’ils sont tous bloqués dans une boucle temporelle et que le volatile imprudent marque le début d’une nouvelle semaine qui se répète sans cesse chaque lundi matin. Il faudra plusieurs essais pour que la jeune femme soit convaincue de l’impossible. Pour s’en sortir, il faut maintenant réussir à convaincre le reste de l’équipe !

Comme un lundi © photo CHOCOLATE Inc - Art House Films

Et ça continue

Sans surprise, l’idée de cette histoire de boucle temporelle provient de l’expérience professionnelle du réalisateur Ryo Takebayashi et de son scénariste Saeri Natsuo chez Chocolate Inc, une entreprise de création de contenus qui produit d’ailleurs le film. Imaginé au départ comme un court métrage sous le titre Endless Boss pour faire connaître l’agence, le projet a évolué vers le long métrage.

L’idée de la boucle temporelle provient du sempiternel message du patron de la boîte qui annonçait fièrement sur les réseaux sociaux chaque année qu’ils allaient faire  « quelque chose d’extraordinaire ! ». Cette comédie en mode répétition s’amuse de cette sensation ô combien partagée d’un travail qui est toujours le même, chaque année, voire chaque jour pour les moins chanceux.

Évidemment influencé par l’incontournable Un jour sans fin (1993), Comme un lundi se déroule dans l’ambiance familière pour le cinéaste d’une agence de publicité sous pression. Un moyen de rajouter de l’enjeu à la quête pour sortir de la boucle temporelle car il faut en même temps continuer à satisfaire des clients exigeants.

Comme un lundi © photo CHOCOLATE Inc - Art House Films

Encore et encore

Le film de Ryo Takebayashi exploite la comédie de bureau à travers les spécificités de la culture professionnelle du Japon. Cette boucle temporelle infernale reprend les fondamentaux du travail dans la société nippone : le dévouement des salariés effectuant un nombre d’heures important jusqu’à dormir au bureau, la fidélité à l’entreprise et peu de vacances… Une tradition des salarymen où le quotidien de l’employé s’adapte au rythme de l’entreprise.

Les shūshin koyō, ces emplois obtenus lors du diplôme et que l’on garde à vie, sont le symbole de cette culture professionnelle. Comme un lundi met sous pression ce dévouement en mettant en parallèle deux missions : sortir de la boucle temporelle et en même temps continuer à tenir son poste, par loyauté et respect du collectif. Car, après tout, personne ne sait quand la mystérieuse boucle peut s’arrêter.

Avec cette semaine en mode répétition, la comédie qui tourne joyeusement en rond accentue ce sacrifice de l’employé pour l’entreprise. L’aspect aliénant du travail est poussé à l’extrême avec des tâches vidées de leur sens qui sont plus que jamais à réaliser ad nauseam. Un labeur digne de Sisyphe alors que la semaine suivante n’arrive jamais, les compteurs étant remis à zéro chaque lundi matin.

Comme un lundi © photo CHOCOLATE Inc - Art House Films

C’est que le début

Tout en continuant à faire tourner la boîte pour respecter des délais devenus ironiques, Yoshikawa et ses deux collègues doivent trouver un plan pour s’en sortir. Et là encore le collectif est au cœur de leur stratégie. Selon leur théorie, il faut à tout prix convaincre leur boss qu’ils sont dans une boucle temporelle. Mais pour ça, il faut gravir les échelons progressivement et convaincre chaque employé de plus en plus gradé.

Cette pyramide de conviction joue savoureusement avec la rigidité de la chaîne de commandement en rajoutant du temps – perdu – à tenter de convaincre l’ensemble du bureau. Le montage du film joue habilement avec les répétitions de plans et les discrètes modifications dans la boucle temporelle. Avec des fausses pistes et un nombre de convaincus grandissant, Comme un lundi ne souffre pas de l’inévitable répétition.

Avec son long titre d’origine que l’on pourrait traduire par Lundis : cette chose intemporelle ne prendra fin que si vous y prêtez une certaine attention, la comédie de Ryo Takebayashi annonce clairement son intention. Comme très souvent dans les films de boucle temporelle, quelque chose doit être réparé ou a minima modifié pour briser la malédiction. Sans cela, c’est un véritable film d’horreur et plus une comédie. Reste à savoir quoi…

Comme un lundi © photo CHOCOLATE Inc - Art House Films

D’accord, d’accord

Les employés sont amenés à prendre des initiatives loufoques pour tenter de convaincre leur patron hermétique que la boucle temporelle est réelle. Tel un boss de fin dans un jeu vidéo, leur espoir réside dans sa prise de conscience pour enfin quitter cette partie interminable. L’engagement particulier de Yoshikawa marque l’évolution progressif de la société nippone en intégrant la place des femmes mais surtout la question de l’épanouissement personnel.

Comme un lundi glisse subtilement la question des besoins de l’individu face à un collectif qui reste très important dans la résolution de l’énigme. Tout en assurant leur dur labeur quotidien, les employés bloqués dans le temps remettent progressivement en question leurs priorités. Et si la solution de ce labyrinthe temporel était la prise de conscience de l’épanouissement personnel ?

La clé du mystère se concrétise ainsi à travers une idée aussi touchante qu’originale. Fidèle à l’idée que l’individu doit se fondre dans la masse pour le bien commun, la comédie temporelle de Ryo Takebayashi insuffle également l’idée que la collectif ne peut atteindre ses objectifs que si chacun s’épanouit pleinement. Une façon d’accompagner avec le sourire l’évolution de la société japonaise vers plus de liberté personnelle face au travail.

Comme un lundi © photo CHOCOLATE Inc - Art House Films

Labyrinthe temporel efficacement mené, Comme un lundi exploite avec malice la mécanique de la boucle temporelle. Entre collectif et individualisme, la répétition aliénante du travail est traitée avec une touche de sensibilité solidaire, clé indispensable pour échapper à toutes les routines de la vie.

> Comme un lundi (Mondays: Kono taimurupu, look joshi ni kidzuka senai to owaranai), réalisé par Ryo Takebayashi, Japon, 2022 (1h23)

Comme un lundi (Mondays: Kono taimurupu, look joshi ni kidzuka senai to owaranai)

Date de sortie
8 mai 2024
Durée
1h23
Réalisé par
Ryo Takebayashi
Avec
Wan Marui, Makita Sports, Yûgo Mikawa, Kohki Osamura, Kotaro Yagi, Haruki Takano, Momoi Shimada, Ryô Ikeda, Harumi Shuhama
Pays
Japon