Vous avez dit ludique ?

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15 novembre 2010

Amélie Labarthe aime les jouets, ils l'inspirent ! La designer enthousiaste utilise son savoir-faire pour dessiner des sourires. Rencontre londonienne avec une créatrice optimiste.

Ame d’enfant, ne pas s’abstenir ! Amélie Labarthe, designer, collectionneuse, chasseuse de boutons va vous faire oublier les styles épurés et les formes alambiquées du design. Membre du collectif Puff&Flock avec lequel elle fait le tour du monde, cette Londonienne a aussi créé sa première boutique en ligne, The Smths Lab. Inspirée par les souvenirs, les matériaux et les couleurs, son but est de préserver l’authenticité au sein de la production de masse, tout en mettant un sourire sur le visage des gens. « Maintenant, tout doit être moche et bon marché. Quand on voit la tête des Petits poneys aujourd’hui, je me demande comment un gosse peut jouer avec ça et ne pas flipper. » Voici de quoi colorer votre grisaille. Si vous pensiez avoir tout vu en matière de design, plongez dans le monde merveilleux d’Amélie, où les murs ont des poches, les coussins des yeux, où les sofas n’ont pas perdu leurs bras.

Amélie travaille dans un petit studio coloré, envahi de jouets vintages qu’elle collectionne pour trouver l’inspiration. « Oui j’aime les jouets, c’est mon grand mal ! », avoue cette passionnée, parfois surnommée L’Archéologue, qui pioche sur eBay ou n’importe où pour dénicher ses petits trésors. Les tissus se superposent et les créations s’entassent, témoins du caractère prolifique de cette designer aux talents multiples. Des ballons gonflables côtoient bijoux, peluches et textiles dans l’harmonie la plus totale. Une collection de Polly Pockets s’étale sur les différentes étagères : « c’est le meilleur jouet inventé pour moi dans ce monde, un petit univers à ouvrir et à transporter dans la poche ». Nostalgique d’une époque où davantage de matériaux étaient investis dans la création et où les produits étaient plus authentiques, elle cherche à développer des idées textiles qui racontent une histoire et stimulent l’imagination : « on voit plein de licences émerger, comme Hello Kitty et toutes ces idioties, mais il faut être un peu plus créatif je pense. » Ce qui la caractérise par-dessus tout, c’est le désir de planter le décor pour raconter des histoires. « Quand j’étais petite, je pensais que j’allais devenir écrivain. Mais je préférais surtout préparer le cadre, les détails, les personnages. » Aujourd’hui, elle offre aux gens l’opportunité de s’approprier un objet pour créer leurs propres histoires.

Diplômée de l’Ecole Duperré à Paris, Amélie débarque à Londres en 2006 et obtient un Master à la très prestigieuse école de design, Central St Martins. Son travail unique et son talent ne passent pas inaperçus et elle est notamment l’une des lauréates du concours Graham and Brown, fabricant anglais de papiers peints. La compagnie avait donné à quelques étudiants la mission de créer une gamme de motifs inspirés de l’environnement et du développement durable. Amélie, authentique au travail comme dans la vie, s’y colle sans trop d’enthousiasme : « les trucs éco, le développement durable je n’en peux plus, c’est un thème qui me gonfle complètement ». Malgré tout, prenant tout nouveau projet comme un challenge, elle se lance dans les recherches : l’empreinte carbone, ne pas bouger de chez soi, voyager sur les murs. EcoHighway propose aux enfants de voyager sans polluer : « je voulais vraiment faire quelque chose qui change de ce qu’on voit habituellement, car en général on prend les enfants pour des idiots. On ne fait pas confiance à leur imagination ». Rigolo, narratif, ce projet reflète le reste de ses créations.

Le plus gros de son travail personnel est basé sur une collection d’objets amis de la maison. « Je voulais faire des objets un peu hybrides pour enlever le côté décoratif au décor. » C’est en partant de cette idée que sont nées plusieurs de ses créations : un papier peint extensible mangeur de pagaille, une écharpe qui se transforme en objets. Elle utilise aussi une encre spéciale réagissant à la chaleur pour créer des coussins qui ouvrent ou ferment les yeux, les Plushions, ou des imprimés nuages qui pleuvent ou non au contact de la chaleur. « J’aime que la personne qui va avoir un rapport à l’objet ou au tissu sente qu’elle a une sorte de pouvoir, quelque chose pour l’animer. » Cette étiquette ludique définit cette créatrice enfant et est présente dans toutes ses collaborations. « Les personnes avec qui je coopère sont une source d’inspiration énorme. Je travaille rarement toute seule. »

Le collectif Puff&Flock, c’est la collaboration de huit jeunes créatrices sorties de la Saint Martins avec les mêmes idées : élargir les frontières de l’imagination, jouer avec les perceptions, faire cohabiter futur et passé. Leur "laboratoire textile" foisonne de bijoux, meubles, tissus, personnages et a fait fureur lors de trois expositions majeures de design : l’Interior Birmingham et le Salone Mobile de Milan, en 2009 et 2010, le London Design Fest et l’International Contemporary Furniture Fair de New York. Des débuts prometteurs pour ce collectif qui est sur le point d’ouvrir une boutique en ligne. « La concurrence est rude dans ce genre de secteur, il va falloir qu’on bosse », reconnaît Amélie. Néanmoins, l’avenir semble plutôt positif. Elles continuent d’exposer, de faire sourire pour les bonnes raisons, avec des créations telles que Sofa So Good, pour laquelle elles ont collaboré avec Ercol et créé un canapé confort, armé de bras pour mieux vous bercer. « Pour moi Puff&Flock, c’est une plateforme pour être un peu folle », confie Amélie.

Sur un plan plus personnel, elle a ouvert une autre boutique en ligne avec son compagnon, designer de jouets. The Smths lab est une association de cœur et d’esprit qu’ils nourrissent en créant des tissus, des bijoux, des bonshommes. Le thème est toujours très narratif : « on essaie de voir le tissu comme un support de communication entre le parent et l’enfant », explique-t-elle. Par exemple, avec The Street, imprimé représentant les bons et mauvais aspects de la rue, l’enfant et les parents peuvent commencer à discuter des qualités et des dangers de l’environnement extérieur. Des projets plein la tête, ils ne sont pas à court d’ambition : « on veut développer des collaborations, avec des hôpitaux par exemple, faire des choses pour les enfants. On veut transmettre du bonheur dans ce monde un peu triste. On a plein d’idées. »
Amélie aime varier et partager les plaisirs créatifs. Elle enchaîne les projets avec flair et aisance. Elle est également à l’origine de The Recipe Look, un blog de recettes visuelles où chacun peut dessiner sa recette en employant le moins de mots possible. Une concoction à succès selon le chef : « on a eu une double page dans le Times et on reçoit plein de recettes. » Lorsqu’elle n’est pas en train d’inventer des monstres gentils ou des vêtements qu’elle ne trouve pas dans le commerce, Amélie se plaît à toucher à la vidéo ou la musique. « J’ai fait un album électro avec le groupe Metuo. » L’album Toyshop est né d’une rencontre inattendue à Florence et d’une passion commune pour les jouets.

Amélie a plus d’un tour dans son sac, au-delà des gadgets, son but est de créer des supports à l’imaginaire : « dans l’industrie actuelle, il faut garder de la place pour ce genre d’objets », explique la conteuse visuelle. Comment se poursuit son histoire ? L’enseignement peut-être, à l’issue de son Master, The Central Saint Martins lui donne l’opportunité de devenir prof en studio-créa pendant un an. « J’ai beaucoup aimé enseigner », confie-t-elle. Quoiqu’il en soit, sa motivation première reste la même. « J’ai envie de donner aux gens quelque chose qui va les faire sourire », dit-elle pour conclure. Générosité, couleurs, échanges et créatures étranges : une chose est certaine, il fait bon vivre dans le monde merveilleux d’Amélie.