Une plongée croustillante dans les petites annonces du Chasseur français

Une plongée croustillante dans les petites annonces du Chasseur français

Une plongée croustillante dans les petites annonces du Chasseur français

Une plongée croustillante dans les petites annonces du Chasseur français

23 décembre 2014

Réputé pour ses annonces matrimoniales, le Chasseur français a publié, en octobre dernier, un recueil très instructif de ces messages d'amour. Une quête universelle de l'âme soeur qui s'étend sur plus d'un siècle, en dit long sur l'évolution des moeurs dans la société française et fleure bon le lichen et la terre.

« Jeune homme, 28 ans, grand, brun, physique bien, ayant des économies et belle position dans commerce désire mariage avec femme d’intérieur, irréprochable sous tout rapport, grande et physiquement bien, ayant maximum 20 ans, dot minimum 50 000 francs, références hors ligne offertes et requises ». Janvier 1899.

« Jeune homme, 30 ans, déporté politique, grand mutilé de guerre, cherche à correspondre avec demoiselle, employée d’Etat ou jeune veuve de déporté ». Février 1947.

Meetic.com, AdopteUnMec.com, Match.com, les sites de rencontres n’ont rien inventé et sont tous, plus ou moins, les descendants du Chasseur français. Le Chasseur français ? Un mensuel lancé en 1885 qui rassemblait autour de lui toute une communauté d’amateurs de chasse, de pêche, de nature et de traditions, mais pas que. Il drainait également une communauté de célibataires qui ont utilisé ses pages pour trouver l’amour, lui forgeant ainsi dans le milieu une réputation digne de celle d’une agence matrimoniale.

Paru en octobre 2014 chez Solar Editions, le Chasseur français publie dans un beau livre ces délicieuses et épicées petites annonces. En début d’année déjà, un hors-série sur ce même thème avait fait fureur, tant ces messages à caractère matrimoniaux captivent. Ancrés dans le terroir, ce sont près de 450.000 cœurs à prendre qui ont tenté leur chance au fil des 1.400 numéros qu’a publiés le magazine. Et ça, on chasse dans le Chasseur français. Mais on chasse le galant plus que le faisan, la jolie plus que la perdrix. 

D’où vient cet engouement ? Les prétendants ont confiance en ses lecteurs qui, sans aucun doute, partageaient avec eux les valeurs de la terre, du travail et de la vie au grand air. Un entresoi réconfortant où l’amour semble invisageable, la baise aussi. Un peu trop sans doute. Car dès 1927, il a fallu mettre les choses au clair. Ainsi paraît dans le numéro de février un message d’avertissement à tous les libidineux du coin : « Nous n’acceptons sous cette rubrique que les annonces dans lesquelles l’intention matrimoniale est clairement exprimée et écartons toutes celles qui ne nous paraissent pas présenter une absolue moralité, loyauté et honnêteté ». Et de préciser pour le voyeur qui trainait par là : « on ne publiera plus les annonces demandant une photographie ». Un peu de pudibonderie ; l’amour de la terre ne rime pas avec l’amour de la chair !

Un témoignage passionnant sur les moeurs du siècle

Divisées en 12 grandes périodes de l’histoire du XXe siècle, les annonces du Chasseur français prêtent à sourire mais en disent long sur les mœurs et leurs évolutions. Ainsi, dans les années 70, le trait de caractère mis en avant est le non-conformisme ; les hommes dits « virils » ont le vent en poupe. Dans les années 40, l’une des qualités les plus mises en avant est le fait d’avoir les « idées larges », ce qui se complète bien avec l’apparition du mot « remariage », de plus en plus fréquent.  En parlant de divorce, la décennie suivant le début de la Grande guerre voit apparaître les termes de « divorcé de guerre » – là, on n’y est pour rien – et « divorcé à son profit » – là, on sort gagnant du divorce. Dans les années suivant le lancement de la revue, on peut lire le terme de « tache », désignant pudiquement la perte de la virginité chez une jeune fille. Et dans une annonce : « Jeune homme fortuné sérieux, prendrait jeune fille aux goûts simples, sans fortune, ayant même tache, Joindre photographie. Belle résidence ». Septembre 1896.

Les femmes bien sûr écrivaient également leurs doléances en matière d’homme. Là encore, les messages nous apprennent beaucoup sur leur place dans la société. Loyale Câline, en 1951, est une femme qui travaille avec des idées politiques bien à elle : « Impulsive, loyale, très câline, sportive, instruction secondaire, dactylo, 22, 1,60m, épouserait, seconderait de préférence colonial, intelligent et bon ». Alors qu’en 1922, on est patriote et pragmatique : « Orpheline distinguée, jolie, parfaite femme d’intérieur, qualités morales, épouserait gentleman fortuné, éducation impeccable, 35 à 55 ans. Mutilé de guerre allié ou veuf serait accepté. Joindre Photo ». En 1984, elles n’hésitent pas à être plus directes : « jeune femme avec trois enfants + deux chiens très grande race cherche un mari très riche ».

Avec les années 90 et la démocratisation d’Internets dans les logis, les annonces du Chasseur français se firent moins nombreuses, écrites par des doigts vieillissants. Nostalgique de cette époque merveilleuse ? Le Chasseur français prend en route le train de la révolution numérique et a lancé son propre site de rencontres : « Brindamour.fr, le site de rencontres entre gens vrais, attachés à leur région, à leurs traditions, à la nature et fiers de leur mode de vie”. Célibataire, amateur de saucisson, de bonnes miches et de pot-au-feu, ce site est fait pour vous.

> Les petites annonces du Chasseur français, Marc Schlicklin, Solar editions, octobre 2014.