« Une famille syrienne », la guerre à domicile

« Une famille syrienne », la guerre à domicile

« Une famille syrienne », la guerre à domicile

« Une famille syrienne », la guerre à domicile

Au cinéma le

Dans la Syrie en guerre, une famille ayant recueilli un couple de voisin et son bébé tente de survivre au jour le jour. Une famille syrienne est un huis clos intense et oppressant qui s'attache à l'humain et non la politique pour nous faire vivre au plus près des personnages le dilemme qui les hante. Fuir le pays ou rester, dans les deux cas une question de courage et de sacrifice.

Alors que la guerre dévaste la Syrie, de nombreuses familles se retrouvent piégées par les bombardements. Oum Yazan (Hiam Abbass) se retrouve ainsi coincée dans son appartement avec son beau-père, ses quatre enfants et leur domestique. Courageusement, cette famille syrienne qui a également recueilli par solidarité un jeune couple de voisins et leur nouveau-né tente de survivre au quotidien malgré les pénuries et le danger. Alors que les combats s’intensifient et qu’une menace se rapproche, les habitants de l’appartement sont tiraillés entre quitter les lieux ou rester avec l’espoir que le conflit touchera bientôt à sa fin.

Une famille syrienne

Bloqués

Avec Une famille syrienne, le scénariste et réalisateur belge Philippe Van Leeuw imagine vingt quatre heures dans le quotidien d’une famille piégée dans son appartement, cernée par les bombardements et la présence d’un sniper qui s’en prend à toute personne sortant de l’immeuble. Dans ces conditions, la mère de famille — incarnée avec une intensité et une justesse remarquables par Hiam Abbass — décide que le mieux à faire est de rester barricadés dans l’appartement en se faisant le plus discrets possible. Lors de cette journée, le spectateur est invité à vivre la débrouille de cette famille qui doit composer avec les pénuries — notamment d’eau — et surtout ressentir la menace diffuse et pourtant bien réelle d’une guerre qui fait rage de l’autre côté des murs protecteurs. Tout est vécu au plus près des individus, le cinéaste ne fait ici pas de politique au sens où l’identité des assaillants potentiels n’est jamais dévoilée. Un choix qui renforce l’atmosphère menaçante qui pèse sur la famille, le danger pouvant provenir de n’importe qui, aussi bien du régime en place que ses opposants ou de personnes profitant juste du chaos ambiant. Ce huis clos est d’autant plus étouffant que les personnages — filmés le plus souvent à travers de longs plans-séquences — n’évoluent que dans l’appartement, un espace confiné qui constitue leur seul réalité. Le reste du monde — la guerre immédiate mais aussi, au delà, l’espoir d’une liberté — n’existe que par bribes, à travers ce que l’on peut apercevoir par les fenêtres. Le couloir de l’immeuble, le parking… voici à quoi est réduit le monde extérieur, rétréci à quelques mètres autour de l’appartement, effacé par le conflit. Dans ces conditions, l’appartement est devenu une prison avec le rituel de la porte d’entrée bloquée par des grosses lattes de bois installées en travers qu’il faut retirer lors des rares sorties à l’extérieur. Dans ce drame, l’appartement mais également le pays tout en entier — c’est ce qui est évoqué dans le titre original du film Insyriated — est une prison, et potentiellement un tombeau.

Une famille syrienne

Le prix de la survie

Le dilemme qui anime les conversations au sein de cette famille recomposée est l’attitude à adopter face à un danger qui peut s’abattre à tout moment. Favorable au status quo, Oum, la mère de famille, plaide pour rester dans l’appartement alors que la jeune voisine Halima (Diamand Bou Abboud) compte bien partir avec son bébé et son compagnon qui s’éclipse au début du film pour régler les derniers détails de leur fuite à l’étranger. Le mari d’Oum étant également absent, ces sont ces deux femmes fortes qui incarnent ce dilemme avec deux options, risquées toutes les deux. En plus de devoir assumer les conséquences de rester dans un appartement qu’elle ne veut pas abandonner, Oum a la lourde tâche de garder la cohésion du groupe tout en protégeant sa famille. En nous faisant vivre vingt quatre heures du conflit syrien avec comme prisme celui de la survie d’une famille enfermée dans son propre appartement, Philippe Van Leeuw éclaire la situation de ces syriens pris en otage dans leur propre pays et donne à réfléchir sur le sursaut vital qui peut les pousser à prendre la route pour rejoindre l’étranger, malgré des risques qui sont, au final, à comparer avec l’horreur de la situation sur place. Dans ce drame avant tout humain, il n’est pas question d’héroïsme mais de courage comme le rappelle Oum à la jeune voisine, ce courage qui permet de survivre, malgré tout, dans l’espoir de jours meilleurs.

Oppressant, Une famille syrienne offre une vision de la guerre vécue de l’intérieur, loin de toute considération politique. Leçon de courage, ce drame est un rappel saisissant de l’horreur de ce conflit qui semble ne jamais vouloir finir et invite à envisager différemment les exilés qui fuient cette guerre et finissent parfois leur parcours dans nos rues.

> Une famille syrienne (Insyriated), réalisé par Philippe Van Leeuw, Belgique – France, 2016 (1h25)

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