« Steve Jobs », plus de Steve, moins de Jobs

« Steve Jobs », plus de Steve, moins de Jobs

« Steve Jobs », plus de Steve, moins de Jobs

« Steve Jobs », plus de Steve, moins de Jobs

Au cinéma le

Après Jobs, un premier biopic trop conventionnel pour être convaincant sorti en 2013, Danny Boyle et Aaron Sorkin dévoilent la vie du célèbre génie du marketing dans un film plus profond et personnel. Steve Jobs tente de mettre à nu l’homme caché derrière le mythe, et réussit plutôt bien son pari.

Dans ce nouveau biopic sur le grand gourou de la marque à la pomme disparu en 2011, l’attention se focalise sur les coulisses du lancement de trois produits emblématiques de Steve Jobs (Michael Fassbender), du Macintosh en 1984 à l’iMac en 1998. Chaque époque est l’occasion de suivre l’évolution de la révolution numérique et celle, plus intime, du visionnaire qui fut viré d’Apple, entreprise qu’il avait co-fondée avec Steve Wozniak (Seth Rogen), pour y revenir en tant que PDG.

Steve Jobs

L’homme derrière la pomme

Pour mieux cerner le personnage de Steve Jobs, le talentueux scénariste Aaron Sorkin – auteur de The Social Network (2010) et des séries The Newsroom (2012-2014) et À la maison blanche (1999-2006) – a choisi trois moments clés de la vie de Steve Jobs, entre le début des années 80 et la fin des années 90. À chaque époque, on retrouve l’entrepreneur accompagné de ses collaborateurs, quelques instants avant la présentation d’un nouveau produit qui, il l’espère, charmera le grand public. Dans ces moments de grande tension, Jobs se dévoile d’autant plus que rôde dans les parages Chrisann (Katherine Waterston), une jeune femme qui lui demande d’assumer sa paternité envers sa fille Lisa. Le biopic de Danny Boyle est, en marge des révolutions proposées par l’homme d’affaires, l’histoire d’un homme, adopté puis rejeté dans sa jeunesse, qui refuse catégoriquement sa responsabilité de père.

Une position qui évolue peu à peu tout au long du film, alors que le destin de Steve Jobs suit une voie parfois sinueuse. On retrouve sans surprise la touche Aaron Sorkin, des dialogues précis qui fusent : comme d’habitude, ça parle vite et beaucoup. Un concentré d’informations qui est également présenté de façon très habile. Malin, le scénariste joue avec les attentes du spectateur, pour mieux les contourner. Ainsi les scènes se déroulent avant les fameuses présentations du Macintosh ou de l’iMac, nous privant des prestations de Steve Jobs qui sont restées dans l’histoire du marketing. Mais les coulisses de ces conférences animées par l’inventeur du fameux “one more thing” en disent finalement plus que se borner à l’homme en représentation constante. En privé, Steve Jobs n’était pas toujours si flamboyant.

Steve Jobs

La pomme de la discorde

En dehors de sa relation tumultueuse avec Chrisann et sa fille, le parcours professionnel de Steve Jobs a également connu de multiples revers. Licencé d’Apple, qu’il avait pourtant créé avec Steve Wozniak, le dieu du marketing a connu des échecs retentissants pendant sa carrière. Son entêtement à vouloir un système fermé pour le Macintosh, contre l’avis de Wozniak, a conduit à des ventes bien au deçà des prévisions et à un premier flop retentissant. Il est d’ailleurs amusant de noter que la célèbre publicité réalisée par Ridley Scott pour annoncer l’arrivée du Mac en 1984 faisait référence au monde totalitaire de George Orwell… pour vendre un produit dont le système ultra protégé était plus dans l’esprit d’un Big Brother qu’une mise à disposition de l’informatique pour tous. Mais la force de la publicité et du marketing est justement d’effacer les contradictions avec l’illusion d’un emballage séduisant. Et à ce petit jeu, Steve Jobs était sans aucun doute le meilleur, et sa vision a fini par l’emporter.

La relation avec ses collaborateurs et en premier lieu l’incontournable Steve Wozniak est l’autre point fort du film, qui révèle l’ambiguïté du personnage. Même si de l’aveu même de l’inventeur de l’Apple I il n’y a jamais eu d’opposition frontale comme le montre le film, Jobs avait peu d’intérêt pour le travail de son ami, trop obnubilé par son idée directrice de développer son propre système fermé… comme il pouvait l’être lui-même. Le film pose aussi en creux la question du talent de celui qui n’était ni programmeur ni designer et qui ne saurait même rien faire d’un tournevis, comme lui fait remarquer Wozniak dans le film. Un sens aigu de la stratégie mêlé à une certaine distorsion de la réalité sont probablement la clé de son incroyable succès et de ses échecs flamboyants, professionnels et personnels.

Steve Jobs lève le voile sur la vie intime et les doutes d’un visionnaire qui continue de fasciner. Plus profond et original dans son écriture, il fait totalement oublier le biopic précédent, bien fade en comparaison. Ceci est une évolution, bénéfique.

Steve Jobs, réalisé par Danny Boyle, États-Unis, 2015 (2h02)

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