« Natür Therapy », tout nu et tout perdu

« Natür Therapy », tout nu et tout perdu

« Natür Therapy », tout nu et tout perdu

« Natür Therapy », tout nu et tout perdu

Au cinéma le

Martin est lassé par sa vie : famille, travail… tout l’ennuit. Pour se changer les idées, il décide de partir seul en randonnée, dans la montagne norvégienne. Une remise en cause en pleine nature plutôt cash mais aussi superficielle.

Martin (Ole Giæver) a bien du mal à trouver sa place : au travail avec des collègues qu’il n’apprécie guère, ou en famille, auprès de sa femme et de son jeune fils avec lequel il a du mal à communiquer. Lorsque la semaine se termine enfin, Martin fait le choix de partir seul en randonnée dans l’immensité de la nature norvégienne pour fuir ce quotidien qui l’oppresse. Loin de la routine aliénante, des questions inhérentes à la crise de milieu de vie assaillent le promeneur épris de liberté. Un flot incessant de pensées s’impose à Martin, le poussant à imaginer une autre vie : qu’arriverait-il s’il divorçait ? Si sa femme mourait ? Et s’il décidait de tout plaquer à son retour pour débuter une nouvelle vie ?

Natür Therapy

Méditation très naturelle

Pour nous permettre de partager les états d’âme de cet antihéros qu’il interprète lui-même, le réalisateur norvégien Ole Giæver a choisi une voix off omniprésente qui nous dévoile ce qui passe par la tête de Martin. Un procédé direct qui ne cache rien des pensées du randonneur, y compris des remarques parfois très crues. Cet accès sans filtre à l’esprit du personnage, qui assume son flirt avec la vulgarité, rapproche le spectateur de ce protagoniste en proie au doute. Cette franchise de ton apporte un côté décalé à l’ensemble qui vient contrebalancer la dépression latente de Martin.

Cash, le film l’est également au niveau visuel. Parmi ses nombreux soucis, Martin n’a pas une vie sexuelle épanouie avec sa femme et sa frustration s’expose au grand jour. Que ce soit de son propre fait ou suite à un incident, Martin se retrouve assez souvent le membre à l’air, dans des états divers. Et comme pour les pensées intimes de son personnage, Ole Giæver ne cache rien, souhaitant probablement rééquilibrer la présence du sexe mâle à l’écran, souvent tabou et éclipsé par la nudité frontale des femmes, bien plus conventionnelle. Ce parti pris direct et exhibitionniste – au niveau de la pensée aussi bien que du corps –  est plutôt amusant et rafraîchissant mais ne permet pas au film de s’extirper d’une méditation qui tourne en rond.

Natür Therapy

Le sens de la vie… ou pas

Avant de se décider à faire de son personnage un homme – et de l’incarner lui-même – le réalisateur avait envisagé que son randonneur soit une femme. Un aveu qui trahit la volonté du cinéaste de donner un aspect universel à son propos. Et c’est justement là que la mayonnaise a du mal à prendre. Martin se pose en effet des questions plutôt répandues sur le travail, l’impossibilité de communiquer avec son fils, l’ennui provoqué par une vie vécue comme trop contraignante… Autant de thématiques dans lesquelles le spectateur peut se retrouver mais celles-ci sont évoquées de façon assez superficielle et se retrouvent étouffées par la frustration sexuelle du randonneur, sous-jacente tout au long de son périple méditatif. Le fait d’avoir accès aux pensées du personnage ne suffit pas à nous y attacher et un certain nombre de ses réflexions sont répétées plusieurs fois, sans véritable approfondissement, donnant l’impression que le pauvre Martin tourne en rond dans sa montagne.

En posant sur les frêles épaules du randonneur – quasiment – tous les malheurs du monde, Ole Giæver finit par brouiller les pistes et la nature même de sa dépression nous échappe. La comparaison avec Near Death Experience (2013) [lire notre chronique], dans lequel Michel Houellebecq part se suicider en pleine nature, s’impose d’elle-même. Plus sombre, le film de Benoît Delépine et Gustave Kervern s’avère plus poétique et attachant. Alors que Natür Therapy ressasse les mêmes thèmes, on finit par s’impatienter en espérant un feu d’artifice final qui viendrait mettre en perspective ce trekking introspectif… mais celui-ci n’arrive jamais. Le cinéaste choisit une fin très ouverte, laissant au spectateur le soin de décider si ces heures de marche en pleine montagne ont été – ou non – bénéfiques au promeneur. Une position frileuse et décevante, d’autant plus venant d’un réalisateur qui a osé se mettre à nu.

Le côté très brut de décoffrage de Natür Therapy joue, dans un premier temps, plutôt en sa faveur mais à l’image de Martin qui se retrouve la jambe bloquée dans la boue, le film s’enlise progressivement dans des réflexions qui tournent en rond. Réflexions qu’une fin, insipide, ne sauvera pas. Le calme et la beauté de la nature souveraine ont bien du mal à agir comme un remède miracle.

> Natür Therapy (Mot Naturen), réalisé par Ole Giæver, Norvège, 2014 (1h20)

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