« Marie Curie », intimité radioactive

« Marie Curie », intimité radioactive

« Marie Curie », intimité radioactive

« Marie Curie », intimité radioactive

Au cinéma le

Focalisé sur six années mouvementées de la vie de Marie Curie, le film de Marie Noëlle explore la vie intime de la célèbre chercheuse après le décès de son mari Pierre. Portrait touchant d'une femme passionnée et déterminée, Marie Curie est un biopic assurément féministe qui montre son combat dans un monde dominé par les hommes en ne faisant que survoler malheureusement son apport considérable à la science.

Physicienne-chimiste d’origine polonaise, Marie Skłodowska-Curie (Karolina Gruszka) a atteint une renommée mondiale grâce à ses travaux sur la radioactivité auprès de son mari Pierre (Charles Berling). Lorsque ce dernier meurt subitement dans un accident, la scientifique doit lutter pour se faire une place dans le milieu particulièrement masculin et conservateur des sciences. Femme de convictions, elle compte bien continuer à faire avancer la recherche malgré les embûches sur son chemin. Alors qu’elle tombe amoureuse du physicien Paul Langevin (Arieh Worthalter) déjà marié, Marie s’attire les foudres de la société bien pensante et d’une presse avide de scandales.

Marie Curie © P’Artisanfilm

Combats modernes

En choisissant de raconter la vie de Marie Curie entre 1905 et 1911, Marie Noëlle débute son biopic alors que le célèbre couple de chercheurs reçoit un prix Nobel pour leur découverte du radium. Puis la mort de Pierre Curie vient tout compliquer pour Marie qui se voit réduite au rôle de veuve du génie disparu. Contestée par certains de ses pairs — exclusivement masculins —, la chercheuse finit même par douter d’elle-même. Ce biopic combatif fait ressortir la personnalité hors norme et attachante de la scientifique qui mène de front de nombreux combats, aux résonnances étonnamment modernes. L’incroyable parcours de la physicienne-chimiste interroge évidemment le rôle des femmes qui était réservé à l’époque dans la science mais également dans la société en général. Une fois veuve, Marie Curie a du se battre pour réunir des fonds pour continuer ses recherches, se heurtant à un machisme ambiant qui la voyait comme une imposture voire une menace. Indépendante, la chercheuse s’interrogeait également sur l’utilisation de ses travaux. Elle espérait qu’ils puissent guérir le cancer tout en redoutant qu’ils soient utilisés à des fins belliqueuses par un Etat ou les industriels. Il faut dire que l’invention de la dynamite par Alfred Nobel a créé un précédent sur la mise en application de leurs inventions.

Mais, au-delà du domaine scientifique, Marie Noëlle décrit une femme libre qui pense également la place de la femme dans la société. Insensible à la tyrannie de la beauté imposée aux femmes, Marie Curie était par exemple contre le fait que ses filles se maquillent. Elle se désespérait également de l’éducation nationale qui faisait apprendre par cœur des textes aux élèves tout en réduisant à néant les activités extra-scolaires. Et elle s’interrogeait évidemment sur la différenciation entre ce qui était conseillé aux garçons et aux filles. Ce combat féministe bien ancré chez la chercheuse est également le fruit d’une expérience douloureuse liée à sa liberté de femme niée par une société machiste et hypocrite.

Marie Curie © P’Artisanfilm

Femme libérée, c’est pas si facile

Marie Curie est une femme de premières fois au parcours étonnant. Première star internationale de la science, première femme Docteur en Physique, elle a également été la première femme professeur à la Sorbonne, la première femme Prix Nobel et a réalisé un doublé en étant la première femme au monde à obtenir un second Prix Nobel dans un domaine distinct. Une succession de « premières » que même la mort n’a su stopper puisqu’elle a été la première femme à entrer au Panthéon à titre posthume. Mais cette longue liste de succès peut occulter les difficultés que la chercheuse a rencontré pour se faire accepter et respecter dans la communauté scientifique après la mort de son mari. Ce sont ces combats que la cinéaste met en lumière en insistant particulièrement sur l’un d’entre eux qui a été masqué par le mythique couple qu’elle formait avec Pierre Curie, unis pour toujours grâce à leur découverte du radium. Pourtant, après la mort de son mari, Marie continue à vivre, à faire ses recherches et à aimer. En 1910, sa relation avec le physicien Paul Langevin, marié et père de quatre enfants, crée la polémique et réduit Marie à la caricature de la femme « adultère » alors que son mari est mort depuis 5 ans déjà. L’ampleur du scandale est telle que son second prix Nobel semble un moment lui échapper pour une histoire de mœurs qui aurait du rester privée. Comme elle le fait très justement remarquer alors le sujet ne serait même pas évoqué s’il s’agissait de décerner la récompense à un homme ayant une relation avec une femme mariée. La scientifique paie alors le prix de sa célébrité et découvre la violence d’une presse qui se défoule en exposant sa vie privée sur la place publique. Elle découvre à ses dépends les affres d’une notoriété qui se paie par une exposition de son intimité, un sujet là aussi très moderne et toujours d’actualité.

Preuve que Marie Curie était en avance sur son temps, l’éducation qu’elle a choisi pour sa fille Irène Joliot-Curie a permis à celle-ci de décrocher un prix Nobel en 1935 pour sa découverte de la radioactivité artificielle — en collaboration avec son mari Frédéric, chez les Curie les découvertes se font à deux. Alors qu’un siècle plus tard les femmes ne sont encore que 29% dans le domaine de la science et beaucoup moins dans la recherche, le parcours de cette pionnière fervente défenseuse l’égalité est toujours d’actualité et une source d’inspiration. Une petite déception vient toutefois affaiblir la portée de ce biopic intimiste. Si la cinéaste a pu reconstituer le laboratoire de la scientifique grâce à des instruments d’époque prêtés par un collectionneur, on peut regretter que l’immersion dans les recherches de Marie Curie soit finalement assez superficielle. En débutant son récit alors que le couple a déjà découvert le radium, Marie Noëlle laisse l’aspect personnel de la vie de la scientifique phagocyter le fruit de ses travaux.

Avec son parti pris très personnel, Marie Curie réussit à rendre proche et touchante une figure incontournable de la science mais échoue à combiner l’histoire de la femme militante avec celle de ses découvertes. L’aspect scientifique se fait un peu trop discret et le génie de la chercheuse finit malheureusement écrasé par l’intimité de la femme.

> Marie Curie, réalisé par Marie Noëlle, Allemagne – France – Pologne, 2016 (1h39)

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