Malbouffe, politique et TVA

Malbouffe, politique et TVA

Malbouffe, politique et TVA

Malbouffe, politique et TVA

Au cinéma le

"République de la malbouffe" est sorti le 1er février. Un documentaire voulu par le restaurateur Xavier Denamur qui condamne la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, condamne une politique assujettie aux lobbies, dénonce des dirigeants qui encouragent à la malbouffe.

C’est l’histoire d’un combat. Celui d’un restaurateur "citoyen" qui s’oppose, depuis plusieurs années, à la baisse de la TVA dans la restauration. Ce restaurateur fort en gueule et volontaire, c’est Xavier Denamur, propriétaire de plusieurs brasseries en vue du Marais, dans le IVe arrondissement à Paris. « C’est ma légitimité. Mes affaires marchent très bien, j’ai mon triple A moi. » Contrairement à la France donc. Cette baisse de la TVA de 19,6 à 5,5 %, intervenue en 2009, est le point de départ du film[fn]En novembre 2011, le plan de rigueur voulu par le gouvernement contient une hausse de la TVA, celle-ci passant à 7 %[/fn]. «  Elle a fait perdre 3 milliards d’euros par an à la France, profite aux plus gros et n’est au mieux pour les plus petits, qu’une bouffée d’oxygène. »

Lui-même à la tête d’une entreprise florissante, il affirme qu’il n’avait aucun besoin d’une telle aide, d’un tel cadeau fiscal. Avec ce cadeau, il a alors décidé de se battre contre la baisse de TVA et de financer le film qui raconte son combat, République de la malbouffe, réalisé par Jacques Goldstein. Un film qui n’avait pas pour ambition de sortir en salles ou de marquer l’histoire du septième art. Oui mais voilà, « je n’ai pas réussi à trouver des chaînes de télévision intéressées. Cela semblait un peu délicat… » Qu’à cela ne tienne ! Si le cinéma est le seul endroit où il peut montrer son film, qu’il en soit ainsi. « Je veux que les citoyens se déplacent, qu’après les projections aient lieu des débats républicains. Je veux profiter du fait qu’on se retrouve en salles pour échanger des idées. Il faut qu’ils sachent la vérité et qu’ils réfléchissent en connaissance de cause. »

La malbouffe, un fléau politique ? 

Et il ne s’agit pas d’un énième documentaire sur le diable Ronald. Pas seulement en tout cas. République et malbouffe sont ici juxtaposés à dessein. « La malbouffe est un fléau éminemment politique. » Alors le documentaire attaque (sur) la politique et la déconstruction minutieuse d’une décision politique, la baisse de la TVA. « Une proposition du candidat Sarkozy. Il l’a promis, il l’a fait, sans aucune concertation, sans aucune réflexion. »

A qui profite le crime ? Aux dix premières entreprises de restauration qui font à elles seules les deux tiers du chiffre d’affaires des CHR, cafés, hôtels, restaurants. A la manœuvre ? Nicolas Sarkozy, on l’aura compris, et les puissants lobbies dans lesquels siègent les plus grands groupes de la restauration. « Des groupes avec des fonds de pension dans leur capital, des groupes internationaux. Rien à voir avec le petit restaurateur ! » Pour Xavier Denamur, il n’y a eu presqu’aucune baisse de prix pour les clients, presqu’aucune augmentation des salaires pour les employés, « par contre les gérants des franchises roulent dans des belles bagnoles ». Xavier Denamur milite lui, pour une "TVA-socio-éco-logique". « Il faut être juste et redistribuer, redonner de la valeur au travail en revalorisant les salaires, donner à l’Etat les moyens de lutter contre la fraude, compenser les baisses de pouvoir d’achat pour ceux qui ont des bas revenus. Arrêter de favoriser ceux qui n’en ont pas besoin. » Et les lobbies, dehors. « Ils attendent les parlementaires dans les couloirs de l’Assemblée, ils vont déjeuner ensemble. Il faut leur interdire l’accès ! »

Le canard a des plumes

Mesure électoraliste – les restaurateurs auraient chacun reçu un bulletin d’adhésion à l’UMP, un remerciement pour le cadeau fiscal – voulue par des lobbyistes qui n’ont que faire de la nourriture saine et qui proposent des petits boulots plutôt que des postes de cuisiniers.

Démonstration faite, qu’elle est donc le rapport avec la malbouffe ? En encourageant les chaînes, les groupes, l’Etat n’encourage pas à une meilleure consommation. « Je veux que les citoyens prennent conscience qu’ils mangent trois fois par jour alors qu’ils ne votent qu’une fois tous les cinq ans. » En ligne de mire, les restaurateurs qui ne jouent plus leur rôle : faire œuvre de santé publique en proposant de la nourriture saine. « Le goût est complètement formaté. On veut effacer les origines de ce qu’on trouve dans nos assiettes. Mais c’est un choix de société qu’il faut faire aujourd’hui. Et l’Etat devrait penser à plus long terme que les prochaines élections : ça lui coûterait moins cher si on mangeait mieux. »

Le goût, c’est une histoire d’éducation, et l’implication de l’Etat – en plus de son devoir d’informer – doit commencer dès les cantines. De même qu’il doit inciter les restaurants à servir de la nourriture saine, « plutôt que de les encourager à embaucher au Smic avec des cadeaux fiscaux. »

Un chef smicard serait-il moins zélé ? De l’importance de revaloriser le travail, nous raconte Xavier Denamur. L’homme est fâché. Fâché que la plupart des brasseries parisiennes qu’il aimait tant appartiennent désormais à des groupes. « Aujourd’hui, presque toutes les brasseries parisiennes sont des franchises. La Coupole, le Balzar… Le Train bleu où j’allais tout le temps est détenu par une société américaine, Select Service Partner, basée à Guernesey, un paradis fiscal ! » Et tous servent la même chose, des produits transformés, achetés à des industriels. Et cette nourriture a beau être plus facile à mâcher, elle n’est pas bonne pour la santé.

Alors qui remporte la mise ? L’industrie agro-alimentaire et ses plats désincarnés que le "chef" glisse dans le micro-ondes. Exemple avec du confit de canard, l’un des produits phares des brasseries françaises, que le cuisiner de Xavier Denamur décortique, face caméra. Pour mener l’expérience, plusieurs boîtes de confits, du sous-vide et le sien. Une viande trop cuite qui s’effiloche, qui baigne dans de l’eau et de la graisse maintes fois réutilisées sort des boîtes, Le bon confit, il lui reste parfois des plumes. Le consommateur sait qu’il a un animal dans son assiette. L’origine n’est pas cachée. Entre le producteur et le client, le lien est recréé.

Que signifie la démonstration du canard ? Les producteurs sont détachés du contenu des assiettes. Xavier Denamur prône des circuits courts, une réduction des intermédiaires pour « pour que les producteurs puissent bénéficier des marges et non plus les transformateurs et les marchands. » Et le concernant, n’y a-t-il vraiment que des produits locaux sur ses cartes ? « Non, les gens sont là pour se faire plaisir, on ne va leur donner des panais ou des navets tout l’hiver. Je ne suis pas un extrémiste. »

Xavier Denamur a la critique acerbe. Mais il veut la dépasser. Avec le film, il lance dix propositions[fn]Retrouvez l’ensemble des propositions dans le numéro de février de Rue 89 – Le Mensuel, vendu avec le DVD du film[/fn] qu’il aimerait voir discutées par le gouvernement en plat d’accompagnement de la restauration de l’ancien taux de TVA. La dernière d’entre elles : « Informer et lutter contre le développement des produits saturés en gras, sel ou sucre, qui ont des conséquences sur la santé et les finances publiques, et communiquer sur le rôle d’exemplarité d’une authentique restauration en matière de pratiques alimentaires. » À quelques encablures de la présidentielle, n’y voyez surtout pas le fruit du hasard. 

> République de la malbouffe, un film de Jacques Goldstein, 2012, Rebus / La Huit.

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