Les banques du sperme dépeuplées

Les banques du sperme dépeuplées

Les banques du sperme dépeuplées

Les banques du sperme dépeuplées

26 décembre 2011

Les Centres d'études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) manquent de donneurs de spermatozoïdes : il faut parfois attendre de longs mois pour accéder à un don. Et c'est encore plus complexe quand on parle d'ovocytes.

| Photo stock.xchng DHsuit89

En fin d’année, c’est toujours la même chose. Les médias donnent un coup d’œil dans le rétro et plusieurs mots reviennent en gros (ou en très gros). Pour 2011, c’est « DSK », « crise » « zone euro », « banques » ou encore « recapitalisation ». Rebelote en 2012 ? Possible. Surtout pour les deux derniers, à cause du… don de sperme.

Depuis plusieurs années, les Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos), véritable nom de ce que le grand public rebaptise (un peu vite) les banques du sperme, sont en effet confrontés à un manque de donneurs pour répondre à l’afflux de demandes. Et c’est pour ça que la France s’est décidée à réagir.

Le constat est simple : fin 2011, le site national dédié au don de spermatozoïdes annonçait en effet que « les délais d’attente peuvent attendre deux ans ». Une situation difficile à gérer, surtout quand en bout de chaîne, il y a un couple, un désir d’enfant et la douloureuse impression que rien n’avance… L’éternel dilemme des chiffres et des êtres.

Une forte demande… et un donneur sur trois récusé

« Il fallait que je me fasse à l’idée de ne pas avoir de bébé avec mon mari, raconte Patricia aux côtés de Christophe, dans une vidéo sur le site. C’était si facile d’avoir un enfant, alors pourquoi nous, on ne pouvait pas… » Ils parlent avec simplicité d’une démarche singulière, sans expliquer combien de temps ils ont dû attendre pour arriver au bout. Mais les faits sont là : en 2009, 400 hommes ont fait un don de spermatozoïdes alors que 2 314 couples sont en situation de demande. « Nous n’avons pas un nombre de donneurs considérable », confirme le professeur Louis Bujan, président de la Fédération française des Cecos.

Campagne d’information et de recrutement lancée par l'Agence de la biomédecine auprès du grand public.

Le don de sperme, pour tout dire, ça ressemble un peu au marathon : du monde sur la ligne de départ, pas mal d’abandons en cours de route. En cause ? La situation globale du don en France, des considérations purement techniques (la capacité des spermatozoïdes à résister à la congélation, par exemple) ; la motivation parfois vacillante des donneurs (qui doivent être âgé de moins de 45 ans et avoir déjà un enfant) face à une démarche qui impose des tests sérologiques et une consultation génétique… « Au final, un candidat sur trois est récusé », remarque Louis Bujan.

Une nouvelle campagne de sensibilisation vient donc d’être lancée. Elle intervient au lendemain d’une période délicate. « Jusqu’au mois de juillet, les discussions sur la loi de bioéthique, qui plaçaient l’anonymat des donneurs au cœur des débats, ont entraîné une décroissance assez nette des dons », rapporte le professeur Dominique Royère de l’Agence de la biomédecine.

Quand les couples paient les dons

Il faut donc trouver de nouveaux donneurs de sperme, mais aussi des donneuses d’ovocytes. Surtout des donneuses d’ovocytes, en fait. Car là où un don de spermatozoïdes permet plusieurs fécondations (en évitant cependant la consanguinité), ce prélèvement est plus problématique. Fin 2009, 1 600 couples étaient en attente et 328 ponctions avaient été réalisées. Tout ça en restant dans un cadre français où les receveuses doivent avoir moins de 43 ans… et les couples être hétérosexuels. Pour le coup, le marathon devient une course d’obstacles. Et huit fois sur dix, les candidats se dirigent vers l’étranger pour obtenir ce qu’ils désirent ardemment. Là où le don de gamètes est payant.

| Photo CHU Poitiers

On lâche la métaphore sportive et on revient à la « vraie » crise des banques : comme un troublant effet de miroir, les candidats se rendent entre autres en Espagne ou en Grèce (et en Belgique aussi). De l’autre côté des Pyrénées, pour bénéficier d’un don, il en coûte entre 9 000 et 12 000 euros. Don qui peut, lui, être rémunéré à hauteur de 900 euros. Là-bas, on en recense 7 000 par an.

Pour l’Agence française de la biomédecine, l’objectif est clair : dans un pays où il est anonyme et gratuit, il faut booster le don, et atteindre l’autosuffisance en 2015. Pour que d’autres Patricia et Christophe puissent serrer contre eux une petite fille comme Annabelle. « Souvent, les gens ne savent pas qu’on a eu recours au don de spermatozoïdes. Ils disent qu’elle ressemble à son papa », glisse la maman. Et quand elle sera en âge de comprendre ? « On va le lui dire, avec des mots d’enfant ». Ceux qu’utilisent aussi les parents.