Le hasard des rencontres

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Le hasard des rencontres

Au cinéma le

Les sorties de la semaine ne se sont pas inscrites sur Meetic et pourtant, plusieurs d'entre elles ont de belles histoires de rencontres à raconter. Qu'elles soient amicales ou amoureuses, elles ont un point commun : les destinées de leurs protagonistes n'étaient pas forcément appelées à se croiser. Mais comme le hasard s'en est mêlé…

Que se passe-t-il quand un jeune artisan chinois tombe d’un taxi et déboule dans la vie d’un quincailler de Buenos Aires, solitaire bourru et psychorigide ? La réponse dans El Chino[fn]El Chino, Argentine-Espagne, 2011, réalisé par Sebastian Borensztein (1h33).[/fn], qui a cartonné au box-office argentin l’an passé. Vendu comme une comédie – le choc des cultures est un ressort humoristique classique et inépuisable bien que souvent épuisant – le film se goûte davantage comme une fable. Fort heureusement, les vannes à base de clichés limites racistes sont expédiées dans une scène de dîner – d’autres auraient construit leur scénario uniquement là-dessus – pour laisser l’histoire explorer une piste plus tendre et subtile autour de la difficulté à communiquer.

Car la barrière de la langue n’est pas le seul obstacle au dialogue entre ces deux hommes. Si El Chino est un film sensible, sa scène d’ouverture, surprenante et inspirée d’un fait réel, est une entame trompeuse. Elle laisse attendre des fulgurances absurdes, de la dinguerie pure, qui n’arriveront jamais. Pourtant, le film se noue autour de ces clins d’œil cyniques et ces croche-pieds vachards que nous réserve le hasard. Au-delà de cette fausse promesse qui ne fait pas pour autant d’El Chino un ratage, on pourra déplorer des seconds rôles sans épaisseur et certaines redites. Mais le propos de ce film, profondément humain, mérite que l’on s’y intéresse.

« Hier soir, il y a eu un attentat dans un café près de chez moi. Je ne comprends pas que la vie tienne à ça : avoir, ou pas, envie d’aller au café d’en bas. » Le hasard qui frappe à l’aveugle taraude aussi Tal, une ado de 17 ans qui vit à Jérusalem. Cette juive née en France confie ses interrogations dans une lettre adressée à un destinataire inconnu : celui qui réceptionnera son message jeté à la mer. Dans son roman, Une bouteille dans la mer de Gaza, Valérie Zenatti livrait ses réflexions et prises de conscience sur le conflit israélo-palestinien. Thierry Binisti le porte librement à l’écran en suivant Tal et Naïm (alias Gazaman) dans leur vie quotidienne rythmée par les échanges de mails. On n’apprend ici rien de très nouveau par rapport aux autres films consacrés au même sujet, mais l’aspect documentaire n’est pas le plus essentiel. 

Une bouteille à la mer[fn]Une bouteille à la mer, France-Israël, 2011, réalisé par Thierry Binisti (1h39).[/fn] est surtout l’histoire d’une correspondance. Une rencontre virtuelle et quasi-impossible physiquement alors qu’à peine plus de 70 kilomètres séparent Jérusalem de Gaza. Là encore, tout est une histoire de murs et de barrières, que l’on voit concrètement à l’écran et dont Bistini fait rejaillir l’absurdité froide dans les dernières scènes. Aux yeux de certains, le message paraîtra naïf, mais cette bouffée d’espoir, les trajectoires parallèles de ces deux jeunes aspirant à « une vie normale » fait naître une vraie émotion.

 

A Ault, sur la côte Picarde, le timide Sylvain ne fait pas beaucoup de « rencontres ». Jusqu’au jour où il accueille une mère et sa fille, l’une exubérante, l’autre discrète, toutes deux séduisantes, dans l’appartement qu’elles ont loué pour les vacances. Un monde sans femmes[fn]Un monde sans femmes, France, 2011, réalisé par Guillaume Brac (58 min), précédé d’un autre court-métrage, Le Naufragé, réalisé par Guillaume Brac (24 min).[/fn] est assurément le coup de cœur de la semaine. Au-delà de son Sylvain (Vincent Macaigne) bougrement attachant, le film cueille le spectateur avec cette chronique de l’état amoureux, a priori banale mais pourtant captivante dans son déroulement. Guillaume Brac filme ses personnages sans condescendance, avec une bienveillance absolue et cette douceur, jamais doucereuse, est belle à voir. 

Le réalisateur porte le même regard respectueux sur ce coin de Picardie et ses habitants (dont certains jouent leur propre rôle), si bien qu’on en viendrait à se dire, comme l’un des personnages du film, qu’ici, « c’est mieux que la Corse ». Cette délicatesse qui ne se charge à aucun moment de mièvrerie impose Guillaume Brac comme un cinéaste à suivre. Et pourrait bien valoir à Un monde sans femmes un César du meilleur court-métrage à la fin du mois : d’une durée de 58 minutes, il est, en guise de prologue, précédé d’un autre court, Le Naufragé, où apparaît également le personnage de Sylvain. Quoiqu’il en soit, le film mérite de rencontrer son public.

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