La Chine et ses touristes chinois

La Chine et ses touristes chinois

La Chine et ses touristes chinois

La Chine et ses touristes chinois

12 octobre 2011

Découvrir la Chine à l'heure actuelle peut ressembler à un parcours du combattant. La raison ? L'explosion du tourisme interne. Et l'impression pour le touriste occidental d'être au beau milieu de ses livres d'Histoire, plus précisément en 1936 où des hordes de Français découvrent les bienfaits des congés payés et envahissent les plages. De Shanghai à Pékin, en passant par Xian et les villages de l'Anhui, voici les impressions de deux jeunes trentenaires.

Certains prédisent que, dans une dizaine d’années, quand les touristes chinois pourront facilement visiter l’Europe, ils seront en permanence aussi nombreux à Paris intra-muros que les Parisiens. En attendant, la Chine est l’un des pays au fort taux de tourisme interne. En effet, les Chinois profitent de leurs congés pour découvrir les richesses de leur pays. Voyager en Chine ne s’improvise donc pas. Le premier réflexe à avoir est d’acheter ses billets de train dix jours à l’avance, afin d’éviter les désagréments et les mauvaises surprises.

En général, les trajets se comptent en dizaine ou vingtaine d’heures. Les classes proposées sont soit des sièges, soit des couchettes. Le meilleur choix pour voyager en train : des couchettes dures (« hard sleepers »). Les « hard seats » restent encore praticables, semblables à de vieux TER de province. Enfin, il est préférable d’éviter les stand up (debout pendant tout le voyage). Les touristes rencontrés ayant testé ce mode de déplacement ont été échaudés par leur expérience et ont dû se réfugier dans le compartiment-bar pour s’assoupir quelques heures.

Départ Shanghai

Cette ville portuaire se développe à vitesse grand V. La folie constructrice est visible dès la sortie de l’aéroport international de Pudong. Sur des kilomètres, au milieu de nulle part, se dressent des barres d’immeubles nouvellement construites, toutes identiques.

Une ballade sur le Bund, l’ancienne avenue boursière de la ville, montre l’ampleur du développement économique. Le Bund est un terme anglo-indien désignant un quai sur une rive boueuse. C’est une artère, très animée le soir, où se promènent les Shanghaïens. Des immeubles Art déco y côtoient des bâtiments d’architecture néoclassique avec des imitations antiques. Face au Bund, un quartier entier d’immeubles d’affaires donne la vision d’une cité en pleine expansion. « Il y a 15 ans tout cela n’était que des rizières », nous confie Aixia Gu, une habitante de Shangai.

Pour mesurer l’ampleur du rayonnement de la ville, il suffit de traverser le fleuve pour prendre un verre au 88e étage de la Tour Jinmao ou dans l’un des bars lounges d’une tour qui offre une vue époustouflante. Pour mieux comprendre le développement de Shangai, une visite au Centre d’exposition de l’urbanisme s’impose. Une gigantesque maquette donne un aperçu assez intéressant de la ville.

Un petit tour dans l’ancienne concession française et ses allées de platanes est incontournable. Ce quartier résidentiel abrite de très beaux immeubles Art déco. Aujourd’hui, c’est un quartier branché où les boutiques vintage fleurissent à tous les coins de rue et rappellent le Marais parisien. Malgré cela, le charme du quartier opère toujours. Il est possible de visiter l’ancienne résidence de Sun Yat-Sen, considéré comme « le père de la Chine moderne ». Cette petite maison à deux étages possède encore des meubles d’époque. Un lieu au charme suranné, reposant au milieu de cette folie shanghaïenne.

Une petite pépite à découvrir : le Centre artistique de l’affiche de propagande. Nichée dans le sous-sol d’un immeuble au milieu d’une résidence, cette galerie privée abrite une collection de plus de 3 000 affiches révolutionnaires. Saviez-vous que les communistes chinois se ralliaient aux causes tiers-mondistes face aux envahisseurs impérialistes ? Ainsi, il n’est pas rare de voir des affiches où des communistes chinois révolutionnaires se battent aux côtés d’Algériens ou d’Africains voire de militants des Black power… des années 40 aux années 70. Le style passe progressivement du kitsch de calendrier à un style stalinien puis aux slogans de la révolution culturelle. Le propriétaire de la galerie nous avoue que s’il « se montre discret et ne fait pas trop de publicité sur sa galerie, le gouvernement le laisse en paix ».

Les Shanghaïens ont une passion pour le zoo. Il suffit de les voir venir par familles entières se balader le dimanche dans le zoo de la ville. La façon dont ils se comportent avec les animaux en cage peut heurter la sensibilité des touristes étrangers. Ainsi, il n’est pas rare de les voir jeter des canettes de bière sur un pauvre lion dormant au soleil. Payer un billet d’entrée signifie que le lion doit rugir et le singe se balancer dans les arbres. Et ce n’est pas la « pet gallery » (animaux domestiques) qui nous réconcilie avec la sensibilité des Chinois à l’égard des animaux. Dans cette « pet gallery », des chiens (huskys, yorkshires ou labradors, etc.) enfermés dans des cages. Si la légende urbaine veut que les Chinois mangent du chien, il n’est pas rare d’en voir avec un toutou pour animal domestique. Des dizaines de boutiques de toilettage canin sont présentes notamment à Beijing (Pékin). Encore le signe de l’émergence d’une classe aisée ?

En nous promenant dans les jardins de Shanghai, nous sommes tombés sur une sorte de bourse aux célibataires. Des portraits de jeunes hommes et femmes sont affichés avec leurs caractéristiques (études, taille, âge, etc.). Les parents discutent entre eux et se montrent les photos de leur progéniture surdiplômée. Est-ce le résultat d’une politique de l’enfant unique qui aurait déséquilibré le ratio entre hommes et femmes en âge de se marier ? Les jeunes Chinois, obsédés par leur réussite professionnelle, se satisfont-ils d’un mariage arrangé ? Nous ne connaîtrons pas le mot de la fin.

A Shanghai, il est aussi agréable de découvrir le quartier de Qibao et ses canaux, le jardin Yu et son bazar reconstitué ou encore le temple du Buddha de Jade.

Le nouveau TGV pour Pékin (Beijing), inauguré en 2010, est impressionnant. Il relie désormais les deux principales villes en seulement cinq heures, soit 1 463 kilomètres. Les gares sont surdimensionnées par rapport aux standards européens : les trains se succèdent toutes les 5 à 10 minutes aux heures de pointe. Un écran affiche les pointes de vitesse du TGV dans chaque wagon. Il faut absolument tester le Maglev (train magnétique sans roue) entre l’aéroport international de Pudong et la gare de Longyang Road. Il affiche des pointes de vitesse à près de 300 km/h. Shanghai est la première ville au monde à posséder un train magnétique.

En route pour Beijing (Pékin)

Aller à Pékin signifie gravir la Grande Muraille, se perdre dans la Cité interdite, flâner dans le Palais d’Eté, faire la queue au lever du jour pour se recueillir devant le tombeau de Mao ou encore se promener sur la place Tiananmen. Hormis ces incontournables, le charme de Pékin réside dans ses hutongs. Le mot vient du mongol « hottog » qui signifie « puits ». Ces maisons basses, en briques grises, forment des quartiers de ruelles entourant la Cité interdite.

La petite taille de ces habitations est due à l’interdiction, à l’époque, de construire plus haut que la Cité interdite. Passé le second périphérique, les hutongs font place à des immeubles modernes de grande hauteur comparables à ceux de Shanghai. Parmi les bâtiments récents, une promenade au parc olympique ou la tour de la CCTV, la télévision nationale, vaut le détour. Les dimensions de la ville sont impressionnantes. On traverse pas moins de six périphériques pour voir la Grande Muraille.

Un arrêt sur l’ancienne route de la soie : Xi’an

Xi’an était un point de départ de la route de la Soie. C’est pourquoi il existe un vieux quartier musulman avec une mosquée à l’architecture chinoise. Ce mélange des genres est étonnant. Mais si le visiteur passe par Xian, c’est avant tout pour aller voir le célébrissime mausolée du premier empereur Qin et sa fameuse armée enterrée. Sous trois grands halls en tôle, se succèdent des fosses de plusieurs mètres de profondeur avec des soldats et des chevaux en terre cuite. Certains sont encore enterrés. Il est même possible, à l’entrée, de se faire prendre en photo avec un des paysans ayant découvert ces fosses, à condition d’acheter son livre. La découverte de ce mausolée oublié a donné naissance à une véritable industrie de la figurine en terre cuite. Sur le site lui-même, la surface commerciale est sans doute plus importante que la surface d’exposition.

Xi’an est également une ville fortifiée avec des bâtiments modernes à l’intérieur des remparts. Étrange. Autre particularité : la construction d’immeubles modernes coiffés au sommet d’imitations de toits de temples chinois traditionnels. Une véritable incongruité architecturale.

Admirer les sommets embrumés des peintures chinoises : le Huang Shan

Après deux semaines à arpenter les rues de Shanghai et Pékin, nous avions envie de vert et de calme. C’est pourquoi, nous avons décidé de passer deux jours à gravir le Huang Shan ou montagne jaune, une des cinq montagnes sacrées du taoïsme. Cet ensemble de pics montagneux, émergents au milieu de la brume est également célèbre pour son décor qui a inspiré plusieurs générations de peintres chinois. Passage obligé : dormir au sommet pour admirer le lever du soleil à 5 heures du matin.

Il ne faut pas se fier à l’allure des touristes chinois habillés des pieds à la tête en Décathlon comme s’ils allaient gravir l’Himalaya… (Oui, Décathlon a un grand succès en Chine !). Gravir le Huang Shan ressemble davantage à une promenade sportive qu’à une randonnée de haute montagne. Cependant, cela peut mettre votre patience à rude épreuve. Imaginez-vous gravir les sommets des Alpes à la queue-leu-leu, coincé derrière des groupes de touristes. Difficile de se sentir seul au monde.

Les petits villages de l’Anhui : Xidi, Hongcun

L’Anhui est une des régions les plus pauvres de la Chine. Certains petits villages classés à l’Unesco méritent une visite. Ils possèdent une architecture typique avec des murs blancs en chaux contrastant avec les toits en tuiles sombres où des pignons – en forme de tête de cheval – empêchaient la propagation du feu entre les habitations. Il est nécessaire de s’acquitter d’un droit d’entrée d’environ 100 yuans (soit 10 euros) pour chaque village. Des étudiants chinois aux Beaux-Arts viennent en bande y peindre les charmes de ces petites bourgades.

Suzhou, la ville aux canaux

Suzhou, « la ville aux canaux » ou encore « la Venise de l’Orient », est une Cité-jardin réputée pour sa douceur de vivre. Des canaux sillonnent la ville et des jardins fleurissent partout. Suzhou est également connue comme étant la ville de la soie. D’après un vieux dicton, « Au ciel, il y a le paradis ; sur Terre, il y a Suzhou et Anzhou ». Le musée de Suzhou a été conçu par Ieoh Ming Pei, originaire de la ville et architecte de la pyramide du Louvre. Petit, Pei a joué dans le jardin de ses grands-parents, légué aujourd’hui à la ville. Ce jardin baptisé « jardin de la forêt du Lion » est réputé pour son labyrinthe fait de rochers.

Ce qui frappe le plus en Chine, est cette sorte de « Disneylandisation » du patrimoine, avec des sites historiques, saturés de touristes et des reconstitutions archéologiques ou scientifiques assez douteuses. Cette folie du tourisme interne et du consumérisme se conjugue avec un communisme toujours très présent. Déroutant pour le touriste occidental. Au final, il nous reste de ces trois semaines en Chine, l’impression fugace d’avoir pu toucher du bout des doigts le tournant historique d’une société en pleine mutation.

Encore ?