« Inherent Vice », joyeux trip halluciné

« Inherent Vice », joyeux trip halluciné

« Inherent Vice », joyeux trip halluciné

« Inherent Vice », joyeux trip halluciné

Au cinéma le

Doc, détective privé farfelu, va s’attirer des ennuis en aidant son ex-petite amie mêlée à une sombre histoire de complot visant à faire interner un milliardaire. Pour son retour à la comédie, Paul Thomas Anderson propose un film labyrinthe psychédélique, totalement incompréhensible mais très attachant.

Lorsque son ex-petite amie Shasta (Katherine Waterston) vient lui confier en 1970 qu’un complot serait en cours de préparation contre son amant Mickey Wolfmann, un promoteur immobilier milliardaire, Larry « Doc » Sportello (Joaquin Phoenix) décide d’enquêter sur ces allégations. Shasta pense en effet que l’épouse du richissime homme d’affaire tente, avec l’aide de son amant, de faire interner son mari et détourner ainsi sa fortune. Intrigué, le détective hippie tente de remonter le fil de cette histoire mais va très rapidement se rendre compte que tout est bien plus compliqué qu’il n’y parait. Doc va croiser une galerie de personnages hétéroclites – des surfeurs défoncés, des flics, des prostituées, un joueur de saxo infiltré – qui le mènent tout droit dans un sac de nœuds inextricables. Dans le cadre de son investigation, le privé va même découvrir l’existence de « Croc d’Or », une organisation nébuleuse qui serait un dispositif d’évasion fiscale mis au point par un collectif de dentistes (!).

Inherent Vice

Enquête de sens, interdite

Premier retour vers la comédie pour Paul Thomas Anderson depuis Punch-Drunk Love (2002), cette enquête sans queue ni tête est la première adaptation au cinéma du roman éponyme paru en 2009 – Vice caché en français – signé Thomas Pynchon, un mystéreux écrivain américain qui évite soigneusement tout contact avec les médias depuis les années 50. Le scenario du film aurait été validé par l’auteur lui-même et le cinéaste semble avoir préservé toute la complexité de l’intrigue d’origine. Rien n’est fait ici pour guider le spectateur dans une direction ou une autre. Les nombreux personnages sont les protagonistes d’histoires parallèles qui semblent bien éloignées du complot contre le milliardaire Mickey Wolfmann.

Bien loin de s’ajuster les unes aux autres, les pièces de ce puzzle psychédélique s’opposent et laissent assez perplexe. Baladé de situations improbables en scènes étranges, le spectateur est – comme Doc – plongé dans les méandres d’une histoire qui lui échappe. On peut d’ailleurs se demander à quel point le climat de paranoïa et l’aspect surréaliste que prend l’affaire sont dus à la consommation intempestive de ce détective hippie fumeur d’herbe, de plus en plus dépassé par la tournure que prennent les évènements. Dans ce grand trip déjanté seul le voyage semble compter, peu importe la destination, de toute façon incertaine. Une invitation d’autant plus attirante que – derrière les volutes de fumée prohibées – les prestations des acteurs sont irrésistibles.

Inherent Vice

Viens voir les comédiens

Inherent Vice est avant tout une comédie loufoque à savourer scène après scène en se concentrant sur les performances du casting. La cohérence de l’histoire ne semble pas être la principale motivation du réalisateur mais le film reste néanmoins parsemé de nombreuses situations hilarantes. Joaquin Phoenix, rouflaquettes d’époque sur les joues, est parfait en privé à la masse qui tente, malgré un jugement troublé par la fumette, de mettre un point final à son enquête. Ses rencontres avec « Bigfoot » (Josh Brolin), un lieutenant qui a du mal à supporter Doc et les hippies en général, sont particulièrement savoureuses. Cette comédie offre une réjouissante galerie de personnages parmi lesquels Benicio Del Toro en avocat très « à la cool » ou encore Owen Wilson en saxophoniste héroïnomane. On en regrette d’autant plus l’absence de Philip Seymour Hoffmann au casting, l’acteur fidèle aux films du réalisateur de Double Mise (2006) à The Master (2012) aurait sans nul doute trouvé sa place dans cette belle distribution.

Si le déroulement de l’investigation de Doc est parsemé d’embuches, la réalisation de Paul Thomas Anderson est elle parfaitement exécutée. L’utilisation de l’accompagnement musical notamment sort des sentiers battus et permet de faire le lien entre divers séquences. On retrouve par exemple le même morceau accompagnant trois scènes différentes ou encore un même titre utilisé successivement comme accompagnement sonore et élément de la scène – par exemple le son provenant d’un autoradio. Ce montage sonore plutôt original et l’assemblage des scènes renforcent cette impression de réalité assez trouble, comme observée à travers la fumée d’un joint ou sous l’emprise d’autres substances illicites. Si l’ensemble peu paraitre un peu long – près de 2h30 – on passe un très bon moment à condition de ne pas trop se prendre la tête à tenter de comprendre au fur et à mesure du film où le cinéaste veux bien nous emmener.

Comédie totalement déroutante, Inherent Vice est l’exemple même du film qui peut diviser une salle obscure, une partie du public adhérant à cette adaptation sans concession et l’autre laissée au bord de la route, certainement un peu agacée par une aventure aussi confuse. Une chose est certaine, seul un grand réalisateur pouvait maitriser un tel chaos.

> Inherent Vice, réalisé par Paul Thomas Anderson, États-Unis, 2014 (2h28)

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