« Hibou », le chouette oiseau solitaire de Ramzy

« Hibou », le chouette oiseau solitaire de Ramzy

« Hibou », le chouette oiseau solitaire de Ramzy

« Hibou », le chouette oiseau solitaire de Ramzy

Au cinéma le

Agacé d'être invisible aux yeux de ceux qu'il rencontre, Rocky tente de se faire remarquer en enfilant un improbable costume de hibou. Pour son premier film en solo, Ramzy Bedia use de la métaphore animale dans cette tendre fable poétique et un brin surréaliste sur l'exclusion et la confiance en soi.

Employé dans un laboratoire pharmaceutique, Rocky (Ramzy Bedia) souffre d’être totalement transparent pour ses collègues, et de façon plus générale, pour l’ensemble de la population. Cette capacité incroyable à passer inaperçu aux yeux de tous vient quelque peu tenir sa joie de vivre naturelle. Un soir, il découvre chez lui un invité inédit : un hibou « Grand Duc » s’est installé sur son canapé et l’animal semble bien décidé à défendre bec et ongles son nouveau territoire.

Chamboulé par la présence de l’oiseau sans-gêne, Rocky décide de reprendre sa vie en main et de s’imposer dans la jungle sociale. Le lendemain, bien décidé à se faire remarquer, il revêt un déguisement de hibou qu’il trouve sur son lieu de travail. Mais malgré l’imposant accoutrement, rien ne change : son entourage continue de l’ignorer. Tout bascule lorsque Rocky croise par hasard dans la rue une femme déguisée en panda : il semble enfin avoir trouvé une personne qui s’intéresse à lui ! Le Hibou et la mystérieuse Panda (Élodie Bouchez) vont alors confronter leur solitude et devenir peu à peu très complices.

Hibou   

Résiste, prouve que tu existes !

Pour donner naissance à son premier film en solo, Ramzy Bedia a été en gestation pendant quatre ans. Une aventure qu’il a tenu à vivre en solitaire en écrivant et réalisant cette étonnante histoire d’homme déguisé en oiseau sans Eric Judor, l’autre moitié du duo au comique absurde. À première vue, cet homme qui continue à passer inaperçu alors qu’il se promène déguisé en hibou fait évidemment penser à l’univers décalé et surréaliste de Michel Gondry mais le film a une écriture bien particulière qui rend assez injuste tout rapprochement hâtif. Si l’univers de bureau étriqué et l’incrédulité du personnage face à sa situation peut faire penser à l’employé Sam Lowry, perdu dans la machine bureaucratique délirante du Brazil (1985) de Terry Gilliam, là aussi le ressenti peut être trompeur. Ramzy réussit à établir un univers bien à lui, parfois déroutant par sa grande naïveté, en usant de la métaphore du masque — et dans ce cas particulier du costume — que l’on porte tous pour paraître en société afin d’évoquer avec tact les affres de la solitude et la confiance en soi.

Si le film est traversé de moments loufoques et décalés, le ton est différent de l’humour foutraque du couple « Eric et Ramzy » : le rythme est plus lent et les blagues moins exubérantes. Un univers moins clinquant et plus introspectif qui a cependant l’intelligence de ne pas tomber dans le pathos facile, en refusant de s’apitoyer sur Rocky et ses relations sociales très limitées. Isolé, l’employé de bureau n’en reste pas moins toujours optimiste et ce volontarisme lui assure une certain sympathie. Cette distance prise avec ce personnage qui disparaît rapidement derrière l’imposant hibou le rend quasiment virtuel pour le spectateur et ses déboires peuvent aussi bien décrire la piètre qualité des rapports humains modernes qu’une situation d’exclusion sociale plus générale. Sur ce point, Ramzy prend le parti de ne pas imposer une quelconque leçon au spectateur et lui laisse le soin de décider de l’ampleur du message porté par le film. Hibou peut déstabiliser certains spectateurs par son aspect volontairement naïf et sa simplicité assumée. On navigue parfois à vue dans les intentions du réalisateur mais l’ensemble reste assez charmant pour qu’on s’attache à ces personnages décalés en quête de reconnaissance.

Hibou

Ramzy en solo, mais bien accompagné

Ramzy est seul derrière la caméra mais a su s’entourer d’une équipe réjouissante. On retrouve au casting Eric, évidemment, son acolyte habituel dont le rôle reste de l’ordre du clin d’oeil. Le personnage secondaire le plus développé et réussi est Francis Banane (Philippe Katerine), chanteur oublié, autrefois interprète de la « chanson de la banane ». Hypersensible aux sons, il vit reclus chez lui, un casque constamment fixé sur les oreilles pour se couper du monde. Voisin loufoque mais attachant, il offre une autre vision de la solitude, une existence en marge de la société souhaitée dans son cas alors que Rocky la subit. En dehors de la jolie Panda, les autres rôles sont plus anecdotiques et certains, comme celui du père de Rocky (Guy Marchand), auraient gagné à être un peu mieux définis. Sur ce point, le film souffre certainement un peu de sa durée plutôt courte qui ne permet pas de trop s’attarder sur ceux qui entourent Rocky. En dehors de ces moments un peu plus faibles à l’écran, la quête de reconnaissance de ce drôle d’oiseau se suit avec plaisir, jusqu’à son dénouement — assez mystique —  plutôt malin.

Pour la première fois seul aux commandes, Ramzy délaisse son avatar comique pour se cacher dans la peau d’un hibou géant en quête de reconnaissance. Projet plus personnel où le surréalisme se teinte de poésie, Hibou joue la carte de la métaphore avec des plumes et des poils pour livrer une fable loufoque sans prétention et touchante de simplicité sur la révélation de soi.

Hibou, réalisé par Ramzy Bedia, France, 2016 (1h23) 

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