« Frank », rock, fou et… flou

« Frank », rock, fou et… flou

« Frank », rock, fou et… flou

« Frank », rock, fou et… flou

Au cinéma le

Jon, jeune musicien en quête de gloire, rejoint un groupe de rock avant-gardiste mené par le mystérieux Frank, un étrange chanteur caché sous une grande tête en papier mâché. Film loufoque inspiré d’un chanteur réel, Frank n’est pas déplaisant mais sa petite musique finit par perdre en intensité.

Musicien inexpérimenté rêvant de devenir une rock star, Jon Burroughs (Domhnall Gleeson) intègre suite à un concours de circonstances The Soronprfbs, un groupe de rock d’avant-garde au nom imprononçable. Nouveau clavier de la formation, Jon devient rapidement le protégé de Frank (Michael Fassbender), leader du groupe et génie musical qui a la particularité de vivre en permanence avec une énorme tête en papier mâché sur les épaules. Adopté par ce chanteur énigmatique, le jeune musicien va tenter de se faire une place dans cette formation et d’apporter sa touche personnelle lors de l’enregistrement du premier album. Lorsque Jon arrive à faire connaître The Soronprfbs à un plus large public – notamment grâce à Internet –, le groupe quitte l’Irlande pour une tournée aux Etats-Unis mais ce voyage pourrait bien signer la fin de l’aventure car Frank, artiste aussi mystérieux que fragile, peine à gérer la pression de la notoriété naissante.

Frank

Frank qui ?

Un film dont l’un des personnages est affublé d’une grosse tête en papier mâché peut paraître un point de départ totalement farfelu, et pourtant cet élément du film ne provient pas de l’imagination féconde d’un scénariste mais d’une histoire vraie, celle de Frank Sidebottom. Musicien et comédien anglais, Chris Sievey a été le leader du groupe The Freshies de la fin des années 70 au début des années 80 avant de créer en 1984 le personnage de Frank Sidebottom derrière lequel il cachera sa réelle identité. C’est sous cette grande tête sphérique rappelant le style des premiers dessins animés de Max Fleischer – le papa de Betty Boop – que Chris Sievey incarna ce personnage aussi improbable qu’attachant censé provenir de la petit ville de Timperley. Avec des titres entrainants et des performances scéniques faites de bric et de broc, Frank Sidebottom – ici accompagné de « Little Frank » pour un medley enflammé des chansons du groupe Queen – est entré dans la culture populaire en Angleterre. Lorsque Chris Sievey décéda en juin 2010 d’un cancer diagnostiqué à peine un mois plus tôt, ses fans répondirent présents sur les réseaux sociaux et plus de 20 000 livres sterling furent récoltées pour offrir des funérailles à l’idole en papier mâché morte sans le sou. Grâce à un financement participatif sur Internet, un documentaire en hommage au fantasque chanteur intitulé Being Frank: The Chris Sievey Story devrait bientôt être finalisé.

Frank

Frank quoi ?

Donc Frank, le film, serait un biopic sur Chris Sievey et son personnage déjanté Frank Sidebottom ? En fait pas vraiment. Si le chanteur insolite interprété par Michael Fassbender a bien une grosse tête factice – proche visuellement de celle de son modèle – il possède une personnalité bien plus sombre et des traits de caractère qui ont également été piochés chez les chanteurs Daniel Johnston and Captain Beefheart. Le film, écrit par Peter Straughan et Jon Ronson qui a joué avec Chris Sievey dans son groupe Oh Blimey Big Bang, se base en partie sur l’expérience de ce dernier mais ne prétend pas être l’histoire de Sievey. Jon Ronson a d’ailleurs écrit un livre intitulé Frank: The True Story that Inspired the Movie pour bien différencier les deux projets. Le film, qui oscille entre comédie et drame, est donc un mélange d’influences diverses, basé sur l’attrait que peut constituer un artiste farfelu qui cache sa réelle identité derrière un masque. Une idée d’autant plus vendeuse quand l’on sait que c’est l’excellent Michael Fassbender qui porte sur ses épaules le poids de cette grosse tête et le défi de rendre son personnage expressif. Sur ce point le pari est réussi, ce côté surréaliste qui peut faire penser aux films de Gondry est plutôt plaisant et la prestation de Fassbender, pourtant privé d’expressions faciales, est convaincante. Le lien que Jon entretient avec les réseaux sociaux – Twitter et Youtube notamment – est également intéressant car le jeune homme découvre à ses dépends que le « buzz » qu’il génère en publiant les frasques des membres du groupe sur le net n’attire pas forcément des fans supplémentaires dans les salles de concerts. La musique imaginée pour les Soronprfbs, sympathiquement avant-gardiste, est plutôt réussie mais lorsqu’à la fin du périple le parallèle intrigant entre folie et création est abandonné au profit d’une émotion plus conventionnelle le film perd malheureusement de son attrait.

Ovni cinématographique visuellement attirant, Frank est une partition plutôt agréable mais à laquelle lequel il manque malheureusement quelques notes pour faire décoller l’ensemble. Un objet de curiosité à voir pour la performance de Michael Fassbender.

Frank, réalisé par Lenny Abrahamson, Royaume-Uni – Irlande – États-Unis, 2014 (1h35)

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