Fin du monde et nostalgie

Fin du monde et nostalgie

Fin du monde et nostalgie

Fin du monde et nostalgie

Au cinéma le

2011 touche à sa fin. L’occasion de faire un retour sur quelques uns des films, des thématiques et tendances qui ont marqué l’année cinématographique. On rembobine.

Apocalypse now ?

Est-ce une conséquence d’un monde groggy par la crise ou une influence, plus ou moins consciente, des prophéties prédisant la fin du monde en 2012 ? Toujours est-il que l’apocalypse et son imminence potentielle sont incontestablement le thème fort de cette année cinématographique. Sorti au cœur de l’été après un passage remarqué à Cannes (prix d’interprétation pour Kirsten Dunst), Melancholia, de Lars von Trier contait (et comptait) les derniers jours d’une Terre sur le point d’être percutée par une autre planète, à travers le portrait intime de deux sœurs ; l’une dépressive, l’autre, plus combative, du moins en apparence.

Melancholia | Photo Les Films du Losange

Cette chronique resserrée sur une poignée de personnages se concluait sur un final éblouissant, paroxystique : l’apocalypse vue par un poète de la caméra. Une œuvre à des années lumières des blockbusters mettant en scène une humanité en péril (Armageddon, 2012, etc.) auxquels le cinéma américain nous avait habitués jusque-là. Il semblerait qu’en 2012, l’heure soit à la résignation, plutôt qu’à l’héroïsme. Que la question ne soit plus d’empêcher une catastrophe mais de faire en sorte de limiter ses dégâts ou de se préparer au pire. « La menace est partout, à l’extérieur comme au sein du foyer. Apocalypse générale et apocalypse personnelle se mêlent. Un couple fait face à la perte d’un enfant dans Rabbit Hole (James Cameron Mitchell) un autre à la fin d’une relation dans Blue Valentine (Derek Cianfrance) une famille subit la chute de figure paternelle dans Le complexe du castor (Jodie Foster)… et pendant ce temps-là, l’humanité fait face à des virus (Contagion), à l’apparition menaçante de planètes (Melancholia, Another Earth, de Mike Cahill), à des extraterrestres, aussi, dans World Invasion : Battle Los Angeles (Jonathan Liebesman) », souligne Melissa Blanco, chroniqueuse de l’émission Extérieur Nuit sur Radio campus Paris[fn]Les mercredis, de 19 à 20 heures, en podcast.[/fn]. Elle ajoute : « Un film condense, pour moi, ce constat de la plus belle des manières, Take Shelter, de Jeff Nichols[fn]Dans les salles françaises le 4 janvier 2012. Le film a concouru dans plusieurs festivals en 2011 et a remporté le Grand prix du dernier festival de Deauville.[/fn], où au trouble personnel du personnage principal (Michael Shannon, en plein doute quant à sa santé mentale) se mêlent visions post-apocalyptiques et crise des subprimes. »

Another Earth | Photo Twentieth Century Fox France

Benoît Thévenin, auteur du blog Laterna magica appuie : « Tous ces films renvoient à des angoisses collectives qui ont même déjà été éprouvées en certains endroits du monde ces dernières années (l’ouragan Katrina, le tsunami de 2004, etc.), et ils illustrent en même temps la menace qui semble peser sur chacun d’entre nous aujourd’hui. » Pour Mélissa Blanco, c’est comme cela que s’expliquent les succès publics de La guerre est déclarée (Valérie Donzelli) et Intouchables (Eric Toledano et Olivier Nakache), « où la lutte (contre la maladie, contre une situation subie) devient quasi nécessaire face à la morosité ».

C’était mieux avant ?

Cette quête de réconfort, face à des lendemains incertains, peut aussi mener à se replonger dans le passé. L’exemple phare est Super 8, de J.J. Abrams, qui assume pleinement ses œillades aux productions Amblin des années 1980, E.T. (Steven Spielberg, 1982) et Les Goonies (Richard Donner, 1985) en tête. Des références auxquelles faisaient allusion la quasi-totalité des critiques et articles rédigés sur ce film et qui n’auraient de toute façon pas échappé aux générations de gamins ayant grandi avec ces longs métrages cultes découverts en salles ou en vidéo.

Super 8 | Photo Paramount Pictures France

Super 8 remplit parfaitement le cahier des charges du divertissement familial et ne verse jamais dans le cynisme dès qu’il doit jouer la carte émotion, mais force est de constater qu’il n’apporte rien de vraiment nouveau. Il sera intéressant de savoir quel regard sera porté sur ce film dans dix, vingt ou trente ans, tant il apparaît aujourd’hui comme une madeleine cinématographique pour « adulescents ». Il est d’ailleurs vendu comme tel : allez jeter un œil à la jaquette DVD du film. Vous constaterez que le nom du producteur – Steven Spielberg – apparaît en aussi gros caractères que celui du réalisateur.

En 2011, cette tentation du « repli sur le passé », comme le dit Melissa Blanco, s’est exprimé de bien d’autres manières : « On reboote les classiques (La planète des singes : les origines, Rupert Wyatt), on agrandit les franchises (Scream 4, Wes Craven), on rend hommage à un certain cinéma (les films des 80’s et les productions Spielberg dans Super 8 et Real Steel (Shawn Levy), le cinéma muet dans The Artist (Michel Hazanavicius), on revisite celui de ses parents (Americano de Mathieu Demy où se lie le cinéma de Agnès Varda et Jacques Demy) tandis que reviennent sur le devant de la scène quelques grands noms du passé : James L. Brooks (Comment savoir ?) et John Landis (Cadavres à la pelle), Joe Dante (l’inédit The Hole), John Carpenter (l’également inédit The Ward)… ».

Americano | Photo Bac Films

Que les réalisateurs se tournent vers le passé ne les a pas coupés de la modernité. Parmi les exemples les plus notables, signalons Drive, de Nicholas Winding Refn, qui cite les Michael Mann et William Friedkin des années 1980 à chaque plan ou presque mais ne paraît jamais daté. Au contraire, s’il y a bien un film que les hipsters se sont appropriés cette année, c’est celui-là. Citons encore La solitude des nombres premiers, de Saverio Costanzo qui a réussi le pari risqué d’adapter le roman éponyme de Paolo Giordano en empruntant les codes du film d’horreur et des œuvres seventies de Dario Argento.

Do it yourself

« Face à cela, semble émerger (de nouveau ?) une tendance du « do it yourself », à l’heure où le pape du cinéma homemade s’est planté à Hollywood (Michel Gondry, plus impersonnel que jamais dans The Green Hornet), indique Mélissa Blanco. On retiendra bien sûr Donoma de Djinn Carrénard, projet monté à bout de bras par le réalisateur/scénariste/producteur/acteur du film… à qui répondra en 2012 l’incroyable Bellflower d’Evan Globell, primé au Paris International Fantastic Film Festival (en novembre dernier, NDLR). Mais le « do it yourself », c’est aussi My Little Princess (Eva Ionesco) ou La guerre est déclarée dans lesquels les deux réalisatrices mettent en scène leur propre histoire, allant même parfois jusqu’ à jouer leur propre rôle. »

Donoma | Photo Laetitia Lopez

On peut rapprocher de cette catégorie Pater (Alain Cavalier), mêlant fiction et making-of sans toujours préciser où commence et où s’arrête la fiction. Ce fût l’une des belles propositions d’une année cinématographique 2011 d’un assez bon niveau, où des films, a priori peu vendeurs sur le papier, ont trouvé un réel écho auprès du grand public. « Les succès de Polisse (Maïwenn), The Artist, La Guerre est déclarée, Une séparation (Asghar Farhadi), Drive… confirment le succès d’un film comme Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois, 2010). Le grand public se tourne à nouveau plus volontiers vers des films de qualité, ce qui n’a pas toujours été le cas », se réjouit Benoît Thévenin. Il ne reste plus qu’à espérer que cette tendance se poursuivra… jusqu’à la fin du monde.

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