« Il figlio, Manuel », mère agitée

« Il figlio, Manuel », mère agitée

« Il figlio, Manuel », mère agitée

« Il figlio, Manuel », mère agitée

Au cinéma le

Manuel vient d'avoir 18 ans et doit quitter le foyer pour jeunes où il a vécu depuis l'incarcération de sa mère. Il compte profiter de sa liberté pour prouver aux autorités qu'il peut désormais prendre soin de celle-ci. Premier film fortement ancré dans la réalité, Il figlio, Manuel vise juste avec cette relation mère-fils inversée venant remettre en cause l'innocence du jeune homme.

Désormais majeur, Manuel (Andrea Lattanzi) n’a plus les moyens de rester dans l’institution pour jeunes qui l’a recueilli depuis que sa mère Veronica (Francesca Antonelli) est en prison. Sa liberté retrouvée, il erre dans les rues de son quartier en banlieue de Rome, multipliant les rencontres. Il tente surtout de devenir un adulte responsable en reprenant en main la maison de sa mère et en préparant avec son avocat sa libération potentielle. Mais le poids sur les épaules du jeune homme est immense. Pour que sa mère obtienne l’assignation à résidence, Manuel doit convaincre les autorités qu’il peut veiller sur elle. Reste à savoir si le fils dévoué qu’il est pourra aider sa mère sans sacrifier sa propre liberté ?

Il figlio, Manuel © Bibi Films

Real Manuel

Autodidacte ayant débuté par la photographie, le cinéaste Dario Albertini a abandonné ses appareils photo car il n’arrivait pas à exprimer exactement ce qu’il souhaitait. C’est ainsi qu’il a réalisé plusieurs documentaires dont le premier, Slot – le intermittenti luci (2013), développe l’idée première d’un reportage photographique sur un homme dont la passion des machines à sous et des jeux d’argent lui a fait perdre toutes ses économies et ses proches. Pour ce premier film de fiction, le réalisateur reste encore très influencé par le réel car Il figlio, Manuel est directement inspiré de son documentaire La Repubblica dei ragazzi tourné en 2015. Le film porte la nom de cette structure située à 70 kilomètres de Rome qui accueillait à l’origine des orphelins de guerre. Dario Albertini a observé pendant deux ans cette « République des jeunes » où ceux-ci — parfois délinquants — doivent apprendre à s’autogérer et à vivre ensemble en élisant un maire et son adjoint. Mais, après le tournage, le cinéaste a ressenti un manque : il n’a pas filmé ce qui se passe lorsque les jeunes quittent l’institution. Il figlio, Manuel vient compléter cette expérience.

Si l’histoire de Manuel est une fiction, elle est traversée par un souffle de réalisme qui touche même aux conditions de sa production. Inspirés par une histoire vraie racontée par le responsable du centre, Dario Albertini et le romancier Simone Ranucci ont modifier la réalité mais celle-ci plane au-dessus du film, ramenant le cinéaste à ses premiers amours documentaires. Ainsi Frankino, un homme marginal que Manuel rencontre alors que celui-ci a du mal à faire démarrer sa fourgonnette, est un personnage qui joue son propre rôle. L’homme est en effet l’un des trois personnages principaux du documentaire Incontri al mercato (2015). Alors qu’il cherchait un acteur pour jouer le rôle qui lui a été inspiré par Frankino, Dario Albertini a dû se rendre à l’évidence : qui de mieux que Frankino pour jouer Frankino ? De son côté, Andrea Lattanzi qui joue avec retenue et intensité Manuel n’est pas complètement étranger au sort de son personnage. Le jeune acteur qui est arrivé les mains dans les poches lors de l’audition sans savoir son texte — ce qui a beaucoup amusé et finalement conquis le réalisateur — a passé un mois dans l’institution dont sort Manuel au début du film. Ces éléments associés au fait que l’acteur n’a jamais lu le scénario et s’est laissé guidé tout au long du tournage donnent à ce premier long métrage une justesse et une fraîcheur qui rappelle la vague néo-réaliste du cinéma italien.

Il figlio, Manuel © Bibi Films

Sacri-fils

Une fois sorti de l’institution pour jeunes, Manuel n’a qu’un seul objectif : délivrer sa mère emprisonnée pour un motif qui restera inconnu pour le spectateur. Mais ce but qu’il s’est fixé rend amère sa nouvelle liberté de mouvements. Très vite, Manuel va ressentir la charge pesant sur ses frêles épaules. Des rendez-vous au parloir avec sa mère en passant par les entretiens avec son avocat et l’assistance sociale, le jeune homme comprend que l’assignation à résidence de sa mère ne dépend que de lui seul. Les interactions sociales sont alors réduites au minimum et les projets d’avenir inexistants, Manuel sacrifie le temps présent et son futur dans l’espoir de retrouver sa mère. Que ce soit pour un ancien ami ou la magnifique Francesca (Giulia Gorietti), une apprentie comédienne qui ne fait malheureusement que passer dans le parcours de Manuel, tout tourne autour de la mama, occultant tout le reste. Il figlio, Manuel traite avec beaucoup de justesse cette question de l’inversion des rôles entre la mère et le fils et les conséquences sur le jeune homme de tout juste 18 ans. Avec une telle responsabilité qui pèse sur lui, Manuel prend le risque de s’oublier lui-même, dans l’ombre d’une mère dont les erreurs se répercutent injustement sur lui. Le parti pris très réaliste et direct adopté par le réalisateur donne au film une sincérité toute naturelle qui s’avère très touchante.

Pour sa première incursion dans la fiction, Dario Albertini livre un film dont émane un réalisme étonnant. On se plaint à suivre Manuel dans sa nouvelle vie autant qu’on le plaint de devoir sacrifier en partie sa liberté retrouvée pour une mère en difficulté.

> Il figlio, Manuel (Manuel), réalisé par Dario Albertini, Italie, 2017 (1h37)

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