« Fais de beaux rêves », le deuil inaccessible

« Fais de beaux rêves », le deuil inaccessible

« Fais de beaux rêves », le deuil inaccessible

« Fais de beaux rêves », le deuil inaccessible

Au cinéma le

Massimo est depuis toujours hanté par la mort brutale de sa mère survenue alors qu'il n'avait que 9 ans. Devenu un journaliste accompli, il se replonge dans cette période difficile en espérant faire enfin le deuil de sa disparition. Marco Bellocchio signe un film touchant sur un sujet sensible, traité avec beaucoup de délicatesse et de pudeur.

À la fin des années 60, Massimo, âgé de 9 ans, perd sa mère (Barbara Ronchi) dans des circonstances mystérieuses. Son père le conduit chez un prêtre qui lui explique qu’elle est désormais au Paradis, sans plus de détails sur son décès. Vingt ans plus tard, Massimo (Valerio Mastandrea) est désormais un journaliste reconnu. Il se retrouve de nouveau confronté à ce passé douloureux lorsqu’il s’apprête à vendre l’appartement de ses parents. Pour celui qui n’a jamais accepté la disparition inexpliquée de sa mère, les blessures de l’enfance ressurgissent et tournent vite à l’obsession.

Fais de beaux rêves © photo Simone-Martinetto

Mamma mia

Pour son nouveau film, Marco Bellocchio adapte le roman Fais de beaux rêves, mon enfant, grand succès de librairie de l’auteur italien Massimo Gramellini. L’écrivain revient dans le livre sur un drame personnel : la mort de sa mère avait laquelle il entretenait une relation fusionnelle. Le livre — et désormais le film — explorent comment ce traumatisme d’enfance a joué dans sa construction en tant qu’adulte. Révolté par cette tragédie injuste et inexpliquée survenue lorsqu’il était enfant, Massimo se rend compte à l’âge adulte à quel point le non-dit de l’époque a entraîné un traumatisme qui l’empêche d’évoluer et d’aimer véritablement. Alors qu’il doit vendre la maison de ses parents, il découvre que la version avancée à l’époque par son père — un infarctus foudroyant — n’est peut-être pas la raison de la disparition de sa mère.

Fais de beaux rêves traite avec subtilité de cette incompréhension qui frappe le jeune Massimo, incapable d’accepter la mort d’une mère dont il était si proche. Pour échapper à ce deuil impossible, le garçon s’évade alors dans l’imaginaire et fantasme sur le personnage de Belphégor qu’il avait l’habitude de regarder à la télévision avec sa mère. La perte est d’autant plus difficile à surmonter que Massimo sent qu’on lui cache quelque chose sur la véritable raison du décès. Finement construit, le film alterne les périodes de la vie du journaliste — enfance, adolescence, vie adulte — et dévoile, par petites touches, le poids de cette mort que Massimo porte comme un fardeau sur ses épaules. Alors qu’il s’enferme dans le déni pour ne pas souffrir depuis des années, Massimo va devoir affronter la réalité en face, soutenu dans cette entreprise tortueuse par la douce Elisa, femme-médecin interprétée par la lumineuse Bérénice Bejo. S’autorisant l’humour au détour d’une scène, le drame ne sombre jamais dans le pathos et analyse avec justesse les différentes stratégies d’évitement du deuil que traverse Massimo au fil des années (déni, déprime, quête de réponses dans la religion…).

Fais de beaux rêves

Enquête intime

Pour Massimo, au chagrin vient s’ajouter le poids du secret qui entoure cette mort inconcevable. Alors qu’il décide de se replonger à la fin des années 60, celui qui est devenu journaliste politique après avoir été journaliste sportif obtient peu à peu la confirmation qu’on ne lui a pas tout dit. En suivant le parcours de cet homme sur plus de vingt ans, Fais de beaux rêves pose un regard curieux et parfois critique sur le métier de journaliste, à la fois témoin et parfois partie prenante d’une histoire en train de s’écrire, avec la tentation de travestir parfois la réalité. Comme son métier l’exige, Massimo se lance dans une enquête — cette fois-ci très personnelle — à la recherche d’indices pour découvrir les réelles circonstances du drame. Mais cette fois-ci, les résultats de ses investigations prennent une importance bien plus importante : il est le sujet d’observation et les révélations risquent de changer sa vie en refermant — il l’espère — une plaie béante jamais cicatrisée.

Délicate adaptation du livre de Massimo Gramellini, Fais de beaux rêves séduit par sa façon pudique de traiter d’une absence intolérable et de l’impossibilité du deuil. Auprès de Massimo, le spectateur est invité à souffrir autant qu’à espérer, chamboulé dans ce labyrinthe temporel à la recherche d’une vérité qui apaise, enfin.

Fais de beaux rêves (Fai bei sogni), réalisé par Marco Bellocchio, Italie – France, 2016 (2h13)

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