Cinq designers sinon rien

Cinq designers sinon rien

Cinq designers sinon rien

Cinq designers sinon rien

22 septembre 2011

La semaine dernière s'est tenue la première édition de la Paris Design Week. Dispatchés dans la ville, designers et éditeurs d'objets ont pu montrer leur travail. Citazine s'y est promené durant une semaine au terme de laquelle nous avons choisi de vous présenter cinq créateurs. Ceux qui nous ont tapé dans l'œil.

 

WA.DE.BE. designers

WA.DE.BE designers est un collectif composé de trois créateurs d’objets. On a beaucoup parlé d’eux lorsqu’ils ont sorti leur granny Chair. Pourquoi ? Parce que ces chaises, déclinées dans toutes les couleurs, chaleureuses et accueillantes, sont réalisées par des tricoteuses qui ont toutes au minimum deux points communs. Elles ont au moins 65 ans et elles aiment se mettre à tricoter au coin du feu. La démarche des designers est éthique et écologique. Le savoir-faire et l’humain sont au cœur de la création.

Comment définissez-vous votre travail et votre processus de création ?

Si, en tant que designers, nous cherchons à créer des objets fonctionnels et esthétiques, en rapport avec les attentes de nos sociétés, en tant que consommateurs, nous nous sentons concernés par les démarches de « consommation durable et éthique ». Notre processus de création est donc mu par le désir de créer un monde moins industriel, plus artisanal, plus proche du monde artistique et donc plus proche des utilisateurs. Entourés d’artisans, de PME, d’acteurs tels que les grands-mères, les jeunes, très compétents et aux talents multiples, il nous semblait évident d’adapter notre création à ce savoir-faire. Le "made in Ailleurs" n’est plus une fatalité !

Pourquoi faire appel aux tricoteuses ?

Pour éveiller les consciences et redonner une place aux plus de 65 ans dans notre société. Nous sommes convaincus qu’à plus de 65 ans, il est possible de rester actif, et d’améliorer son quotidien par son travail, tout en créant un lien intergénérationnel.

Quels liens espérez-vous voir entretenir entre vos objets et leurs usagers ?

Nous espérons créer un lien « affectif » en suscitant le plaisir et l’émotion par la réinterprétation des objets du quotidien, en leur donnant un sens et en les rendant uniques. Nous espérons également créer un lien quant à notre engagement éthique qui consiste à sauvegarder le patrimoine des savoir-faire artisanaux en s’assurant que nos partenaires produisent en conformité avec les lois internationales sur les droits des travailleurs.

 

 

AURA

On les aime parce qu’elles ont su rendre le led, d’habitude tellement froid, si chaleureux et même féérique. Océane Delain et Béatrice Durandard sont deux jeunes designers qui se sont associées pour créer les luminaires Aura. Elles ont pu mener à terme leur projet en remportant le concours d’éco-design adream. « Nous avions une vision du design assez similaire, avec l’envie de créer des objet du quotidien simples et familiers, sans prétention, tout en étant innovant d’une manière ou d’une autre. »

Les lampes Aura sont éthiques, écologiques et associent la technologie à un savoir-faire ancestral, le tressage manuel du rotin. « Ce que nous voulions, c’est traiter de l’écologie et de l’éthique sans proposer un projet moralisateur. Plutôt que de concevoir un objet qui "force" l’utilisateur à avoir une action écologique (poubelle de tri, etc.), nous proposons un objet qui séduit par son design en premier lieu. Le fait qu’il soit éthique et écologique lui apporte une valeur ajoutée. » Chaleureuse et contemporaine, la gamme Aura ne réchauffe pas que les salons.

 

Frédérique Morrel

Silhouette humaine, cerf, cheval… Frédérique Morrel crée des objets grandeur nature. Des moulages en fibre de verre qu’elle habille de tissus en canevas. Des créations étonnantes qui donnent un coup de jeune à cet artisanat tombé en désuétude. « Les animaux nous racontent leur vie. Les gens pour qui on travaille, aussi. On les fait se rencontrer. »
Un univers poétique constitué de pièces de tissus, chinées ça et là. Comment tombe-t-on dans le canevas ? Avec sa grand-mère ! Celle-ci avait réalisé une grande scène de chasse au sanglier. À sa mort, le canevas a été donné. Depuis, Frédérique Morrel récupère ces tapisseries traditionnelles. Et dans sa tête, le canevas n’est pas si désuet qu’il n’y paraît. « La tapisserie, c’est un peu le pixel originel. Alors on peut lui trouver une forme de modernité. » Lorsqu’elle chine une pièce, elle pense aux mains qui l’ont tissée, à celle (parfois celui) à qui appartiennent ces mains.

Aujourd’hui, les animaux de Frédérique Morrel s’exposent à Milan ou Paris. On la connaît et on pense à Mamie. Alors, on lui téléphone. « Des gens qui ont entendu parlé de nous (Frédérique Morrel et son mari Aaron Levin, NDLR) nous disent : "Ma grand-mère était bonne couturière. Elle voyageait dans les grandes capitales pour proposer ses services. Quand elle avait le temps, elle faisait des canevas (des Gobelins, des tapisseries, du needlepoint…). Il y en a vingt dans le grenier. Pouvez-vous les utiliser ?" »

 

SAINTLUC

C’est l’histoire d’un éditeur d’objets, nouveau venu dans le microcosme du design. Pour Frédéric Morand, créateur de SAINTLUC, Jean-Marie Massaud a dessiné un fauteuil, Noé Duchauffour-Lawrence une table, François Azambourg une chaise. Trois grandes signatures du design qui ont mis leur créativité au service de la société SAINTLUC. « Quand on démarre dans l’univers du design et qu’on n’a pas de nom, que Jean-Marie Massaud accepte de dessiner pour moi, c’était une reconnaissance énorme ». Son point fort ? La fibre de lin, deux fois moins lourde et tout aussi résistante que la fibre de verre. Les renforts des objets sont en lin, maintenus entre eux par de la résine végétale.

Des matières premières toutes issues de la nature. SAINTLUC, c’est un design moderne qui allie nature et technologie, innovation et écologie. « Quand je produis un fauteuil coach dessiné par Jean-Marie Massaud, j’offre à la terre un puits de carbone. Ce fauteuil à 3 800 euros n’est pas destiné à être brûlé ou jeté, mais à être transmis. Les plantes ont poussé, elles ont capté du CO2 et quand je les transforme en objets qui durent, j’offre des puits de CO2 à la terre. » Pas mal pour un nouveau venu !

 

Alexandre Moronnoz

À l’occasion d’une déambulation à la Cité de la mode et du design, un élément de mobilier urbain nous a attiré vers lui. Une sorte de banc vert. Il est rare de se retourner sur ce type de mobilier. Encore plus rare d’avoir envie de s’y asseoir uniquement grâce à son pouvoir esthétique. Alexandre Moronnoz a relevé le défi. Son mobilier urbain, édité par la Tôlérie forézienne, s’inscrit dans une logique du "bien vivre ensemble".

Comment envisagez-vous les rapports entre la ville et ses usagers ?

Simple, les usagers ont un rapport direct et simple avec leur environnement urbain tel qu’ils le trouvent et ils s’adaptent vite. Malheureusement, ce sont trop souvent les dispositifs qui compliquent ce rapport. Il arrive parfois que la justesse d’un projet allège le "vivre ensemble" et le rende agréable. 

Pour vous, qu’est-ce que le mobilier urbain ?

Un service ou un objet qui raconte une histoire que le citadin peut avoir envie d’écouter ou non. A ce titre, chaque coin de rue devrait pouvoir en raconter une. La même histoire racontée par le mobilier générique déployé à l’échelle de toute une ville est souvent très pesant. Le mobilier classique devrait, à ce titre, s’ancrer dans la culture vivante, au lieu d’établir une codification institutionnelle et pompeuse qui plombe l’atmosphère et alourdit la perception d’une ville. Les commanditaires de mobiliers pourraient alors se transformer en programmateurs et producteurs d’expression urbaine.