Charlotte Normand, actrice durable

Charlotte Normand, actrice durable

Charlotte Normand, actrice durable

Charlotte Normand, actrice durable

24 octobre 2011

Charlotte Normand, la petite trentaine, beaucoup d'humour et une conscience de ce(ux) qui l'entoure(nt), a créé voilà quelques années un one-woman show "vert" pas piqué des hannetons. On tenait à vous la présenter.

Par hasard, on se retrouve à l’Hôtel du Nord, à Paris. On avait rendez-vous dans un autre café des bords du Canal Saint-Martin, mais il était fermé, du coup on a bougé. Naturellement, je lui montre mes achats de mitaines éthiques, parce qu’elle donne envie d’être spontanée, Charlotte. Elle inspire ça. On se demande si c’est l’Hôtel du Nord de L’Hôtel du Nord mais comme on commence à se mélanger les pinceaux avec Quai des Brumes, on en reste là pour le cinéma. Bref, une rencontre au naturel. Ce qui tombe bien parce que si on est là, c’est pour parler nature, écologie et éviter les pesticides. Charlotte, 32 ans, est l’auteure et l’interprète d’un one-woman show écolo, Charlotte Normand se met au vert, qui tourne depuis deux ans sous cette forme, et grâce auquel elle vient de gagner le Prix des femmes pour le développement durable, organisé par Mondadori et la fondation Yves Rocher.

Spectacle recyclable

Ce prix récompense les femmes qui s’engagent au quotidien pour le développement durable en général, et Charlotte en particulier pour sa manière d’aborder le sujet, avec « impertinence et pertinence ». Dans son discours de remise du prix, elle dit : « mon credo, c’est l’écolo rigolo, celui qui transmet dans la bonne humeur ». Ce qu’elle fait avec talent. Enfin quand je dis « elle », je suis à deux doigts de dire « ils », tant les personnages qu’elle incarne sur scène sont variés. En un peu moins d’une heure, on croise un Yoda passé au vert, un pêcheur de thon pas au naturel, des produits bizarres imprononçables, du pétrole ou ce qu’il en reste, et une grand-mère alsacienne. Mais le spectacle évolue au fil du temps et certains personnages sont passés au tri sélectif. « Je suis attentive à ce que l’actualité me fournit comme source d’inspiration, je fais évoluer mon discours en fonction. Le recul du metteur en scène me permet aussi de changer certains détails, et il y a le test du rire de la régisseuse : si elle se marre alors qu’elle connaît le spectacle par cœur, c’est que c’est bon ! »

Charlotte écoute, s’intéresse, se questionne et le résultat est plutôt enchanteur. On rit pas mal, on réfléchit aussi, et on en ressort avec l’envie de changer le monde (mais pour de vrai). Réjouissez-vous, le spectacle est en passe de revenir (respirez, Citazine vous les donnera, les infos), a priori courant novembre. L’actrice choisit autant que possible des petites salles ou des lieux qui s’engagent, histoire de rester dans une même démarche citoyenne. On attend la version recyclée avec impatience, et il y aura des bouts de Fukushima dedans.

Engagez-vous, qu’ils disaient

Fukushima ? Ha bon, c’est drôle ça, Fukushima ? Bah oui. Souvenez-vous, il fut un temps où les humoristes donnaient du sens à ce qu’ils disaient et ne faisaient pas rire juste pour faire rire. L’humour pour dire les choses, et de préférence pour dire des choses pas drôles. « Il y a un tel cynisme !, explique la comédienne. Je digère l’actu, ça se décante, et finalement, l’absurde de la situation fait le reste. » Peut-être que son passage à Sciences-Po Strasbourg y est pour quelque chose, peut-être pas. "Militante" ? Un peu trop galvaudé, elle préfère "engagée", ou pas, elle n’en sait rien, elle n’aime pas les cases, pour elle tout ça est très naturel, ça fait partie d’elle. Et dans la mesure où passer sur scène, c’est livrer une partie de soi, elle ne compte pas ne rien dire et juste envoyer des vannes sur les hommes, les femmes, les trentenaires et le jour le plus long. « On prétend être provoc’ mais c’est bêtifiant. J’ai choisi l’action. » Elle fait d’ailleurs de même sur un blog, La Touffe verte qui parle de tout et de rien autour de la planète qui ne tourne pas rond. Engagée, peut-être. En tout cas, elle crée avec ce qu’elle ressent, et ce qu’elle ressent c’est qu’un autre monde est possible, pour peu qu’on s’intéresse un peu (beaucoup) plus à l’humain et son environnement.

L’écologie, un vaste tout

Car l’écologie ne s’arrête pas à l’état des poissons (bien qu’il soit important, surtout quand on sait qu’ils changent de sexe à cause de produits pharmaceutiques) : « on s’est déconnecté les uns des autres et on s’est déconnecté de notre écosystème, on est bloqué dans un vaste schéma et tout ça manque d’harmonie ». Revenir à la vie de la Cité, au sens grec, les bases de la démocratie, où le peuple s’exprime sur l’agora, la place publique, et gèrent la vie publique ensemble, en citoyens autonomes pour le bien du groupe. Elle veut construire un avenir différent puisque celui qu’on nous propose semble ne plus fonctionner. S’intéresser à son environnement, c’est s’intéresser à l’autre, chercher une certaine harmonie sans essayer de formater. Charlotte Normand est bien loin des clichés – qui l’agacent – de l’écolo effrayé et culpabilisant, vêtu d’un poncho en poil de chèvre. Construire, pas détruire, et être ensemble, pas toujours contre.

« Je ne fais pas des conférences, je fais passer le message de manière différente, décalée. Parfois, certains spectateurs viennent avec des amis qui sont moins investis, pour leur faire entendre des choses. » Et pour ça, Charlotte a choisi l’humour… Entre autres. C’est avant tout par l’expression artistique en général qu’elle s’exprime, quelle qu’elle soit. Charlotte Normand écrit, joue, va bientôt mettre en scène, et peu à peu, agrandit sa palette, afin de pouvoir dire les choses autrement, sans gravité, sans accusation, juste en pointant du doigt des problèmes et en nous amenant à réfléchir pour trouver nos réponses. Elle ne donne de leçon à personne, elle ne fait pas de prosélytisme et n’est récupérée par personne. Elle prend juste à bras le corps son rôle de citoyenne.
A la fin de l’interview, elle va demander au gars qui tient le café s’il y a un rapport avec le film. Il nous dit que oui. Que le point de départ était bien là… Mais qu’en fait c’était plus un prétexte pour parler du quartier, de ses habitants. Des gens dans leur environnement quoi. Décidément, tout est lié.