« Bonté Divine », des trous pas très catholiques

« Bonté Divine », des trous pas très catholiques

« Bonté Divine », des trous pas très catholiques

« Bonté Divine », des trous pas très catholiques

Au cinéma le

Pour relancer la natalité sur la petite île croate où il prêche la bonne parole, le jeune Père Fabijan décide de percer les préservatifs utilisés par ses paroissiens. Une ruse efficace mais qui va fortement chambouler la vie de la communauté. Cette comédie dramatique originale explore par le petit trou de la capote les travers de la société croate : irrévérencieux, drôle et plutôt bien vu.

Lorsqu’il arrive sur l’île pour reprendre les rênes de la paroisse, le jeune Père Fabijan (Kresimir Mikic) ne peut que constater un déficit démographique inquiétant : avec une mortalité élevée et un taux de natalité médiocre la petite communauté ne cesse de perdre des habitants. Pour contrer cet inquiétant phénomène, le prêtre décide de mettre en place un plan qui permettra d’inverser la tendance : il s’associe avec Petar (Niksa Butijer), propriétaire du kiosque de l’îlot, et perfore chaque préservatif vendu par ce dernier. Le stratagème ne fonctionnant pas, ils se tournent vers Marin (Drazen Kuhn), pharmacien, qui rentre dans la combine. Il trafique également les capotes qu’il possède et remplace les pilules contraceptives de son officine par des vitamines.

Très vite, le nombre de naissances – et par la force des choses de mariages décidés pour officialiser la venue des nouveau-nés – explosent. Un phénomène inexpliqué qui attire l’attention des autorités religieuses et des médias sur la petite île et excite l’imagination de nombreux touristes étrangers qui n’arrivent pas à concevoir et qui pensent régler le problème en passant quelques jours dans cette communauté si féconde. Mais cette falsification des bouts de caoutchouc entraine des situations délicates et même tragiques, le curé va devoir affronter les conséquences de son acte.

Bonté divine

Les voies du Seigneur sont impénétrables

Inconnu en France – et pour cause Bonté Divine est le premier de ses cinq films distribué en dehors des frontières croates – le réalisateur Vinko Bresan n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Son premier long métrage, How  the War Started On My Island (1996) est le plus gros succès du box-office croate de ces 20 dernières années, juste derrière… Titanic (1997) ! Un engouement pour ce cinéaste qui ne faiblit pas   – ce nouveau film en soutane s’est imposé comme le plus grand succès depuis l’indépendance de la Croatie – et traverse désormais les frontières pour faire rire jusqu’en France. Adapté d’une pièce de théâtre sont la trame était bien plus dramatique, le scénario de Bonté divine a été écrit en ajoutant une grande part de comique et d’absurde, un style qui correspond mieux à l’univers du cinéaste et qui permet de mieux faire accepter au spectateur cette improbable histoire de prêtre foreur de capotes.

Et cela fonctionne, la décision du curé d’abimer ces bouts de latex que l’Eglise réprouve est habilement menée et on pénètre aisément dans ce délire nataliste qui débute timidement – le Père Fabijan perce un à un les préservatifs avec une aiguille – avant de prendre des proportions plus industrielles avec l’utilisation de machine à coudre pour optimiser la cadence. Aveuglé par ce qu’il pense être une cause juste – ce qui le rend attachant malgré la folie de sa magouille – le jeune prêtre ne voit pas venir les désastres que vont entrainer ses petits trous. Satire séduisante sur la place de la religion et le contrôle qu’elle exerce – ici de façon très autoritaire et cachée – sur ses fidèles, cette comédie dépasse l’aspect purement religieux en mettant en lumière certaines failles de la société croate. Le pharmacien Marin est un xénophobe terrifié à l’idée que la soudaine notoriété de l’île pousse des « Noirs et des Chinois » à l’envahir et même le kiosquier Petar et sa femme, pourtant plus modérés, craignent que le bébé abandonné qu’ils ont accueilli soit serbe. Les hommes de Dieu ne sont pas les seuls à en prendre pour leur grade dans cette comédie qui relèvent les petits travers de chacun, un aspect qui la rend d’autant plus jubilatoire.

Bonté divine

Ce film est Charlie

Approché en décembre dernier par le distributeur du film en France, l’équipe de Charlie Hebdo avait décidé d’être partenaire de cette comédie poil à gratter, un choix qui n’a rien d’étonnant tant l’esprit de Bonté Divine fait écho au journal satirique autoproclamé irresponsable. Des scènes comme celle de l’évêque qui débarque – en yacht luxueux – sur l’île et approuve sans réserve l’astuce de la perforation des capotes qu’il trouve « géniale » et se félicite que le jeune prêtre n’ait pas abusé de mineurs – sa seule source d’inquiétude – ont évidemment du beaucoup plaire à l’esprit pour le moins taquin de Charlie.

Quelques jours avant le drame du 7 janvier, Charb a réalisé des illustrations pour accompagner la sortie de la comédie – dont le dessin du prêtre qui porte une capote comme couvre-chef présent sur l’affiche du film. Malgré la tragédie, Charlie Hebdo est resté le principal partenaire de la sortie du film dans l’hexagone. Au-delà du fait que ces dessins rappellent, à ceux qui l’auraient oublié ou cherche sciemment à l’occulter, que l’hebdomadaire ne moquait pas que l’Islam mais bien toutes les religions, leur présence agit comme un symbole. Une piqure de rappel trois mois après les attentats pour rappeler que le droit à la raillerie et à la caricature des religions doit continuer, une vérité d’autant plus absolue que du sang a coulé pour cette liberté d’expression. Une opération est également menée dans certains cinémas, pour chaque place achetée un préservatif (garanti sans trou) sera offert, de quoi débriefer le film sur l’oreiller et continuer à s’amuser en toute sécurité après la séance.

Bonté Divine divertit mais pas seulement, cette comédie grinçante fait également réfléchir sur l’influence qu’une religion peut avoir dans la vie de ses fidèles. Une fable décalée qui a le mérite d’aller jusqu’au bout de son propos en mettant le Père Fabijan et ses complices face aux conséquences néfastes de leur manipulation, une façon de rappeler qu’il est dangereux de se prendre pour Dieu, même avec les meilleures attentions du monde.

Bonté Divine (Svecenikova djeca), réalisé par Vinko Bresan, Croatie – Serbie – Monténégro, 2013 (1h33)

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