L’architecture en mouvement

L’architecture en mouvement

L’architecture en mouvement

L’architecture en mouvement

7 octobre 2011

Pour bien comprendre l'architecture d'aujourd'hui, il n'est pas superflu de faire une petite piqûre de rappel de l'identité de "l'architecture moderne". La visite de la Villa Savoye à Poissy, mise en œuvre par Le Corbusier - une référence en matière de modernisme - nous a permis d'explorer ses principes de base.

Dès la fin du XIXe siècle, apparaissent les prémices d’une architecture moins ornementale, plus brute et fonctionnelle. Désormais estampillée "modernisme", cette période s’étend jusqu’aux années 1970, avec un âge d’or entre 1930 et 1935. Sont alors sortis du sol, de nombreux projets précurseurs qui ont permis à l’architecture de faire un pas de géant dans les domaines techniques, spatiaux et même sociaux. Notre guide, Carine Guimbard, en charge de l’action éducative aux Monuments nationaux, nous expose les partis pris encore très actuels de la Villa Savoye. Une demeure construite entre 1928 et 1931.

Une révolution formelle

Même à travers des yeux accoutumés à une architecture variée, cette villa surprend encore. Elle questionne toujours. Alors replacez-vous dans le contexte de l’entre-deux-guerres. Imaginez les voitures à tractions, la révolution industrielle mais aussi le développement de l’hygiénisme… Quelle nouveauté ! Située à l’époque en pleine campagne, c’est à Poissy (Yvelines) que le couple Savoye demande à Le Corbusier de lui dessiner une résidence secondaire. L’architecte, qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de villas dites « puristes », décide d’y inclure les cinq points, qu’il énonce dès 1927, et qui deviendront la référence de l’architecture moderne : les pilotis, les fenêtres bandeaux, le toit jardin, le plan libre, la façade libre.

Le Corbusier écrit : « la maison reposera sur l’herbe comme un objet, sans rien déranger ». Contrairement aux maisons cossues de l’époque, il vient alors déposer sur le terrain une boîte blanche, surélevée par un système de pilotis ingénieux. Ceux-ci permettent non seulement de réduire l’empreinte au sol du rez-de-chaussée – afin de protéger cet écrin de verdure – mais aussi de dégager un espace dédié à la voiture. « L’arc de cette allée protégée a été calculé sur le rayon de braquage des voitures des années 30 », précise Carine.

Elle enroule donc un rez-de-chaussée peint en vert, couleur de la pelouse et permet de réduire la visibilité au sol de cette partie. Cette légèreté, effectivement frappante, est également obtenue avec l’utilisation de fenêtres en bandeaux sur les quatre façades pratiquement identiques de l’étage. Elles permettent de faire entrer au maximum la lumière dans la villa. La transparence est de rigueur ! L’ouverture vers le ciel également. Finies les pentes de toit à 45°, Le Corbusier propose l’aménagement des toitures-terrasses en jardin suspendu, très innovant, et en solarium, très prisé à l’époque.

Une spatialité égalitaire

« Le plus surprenant, c’est que de l’extérieur, on n’imagine pas l’intérieur de cette villa », s’enthousiasme Carine Guimbard. En effet, même si le rez-de-chaussée est dédié aux domestiques et le premier étage aux propriétaires, il n’y a pas de réelles distinctions sociales. Des conditions de vie similaires, dans les années 30, quelle avancée ! En effet, on remarque « une continuité sur des matériaux de grande série et pas de matériaux rares qui pourraient pourtant correspondre davantage à leur condition sociale », poursuit Carine.
La taille des chambres est également standard. Pensées jusqu’à leur ameublement, il ne reste pas beaucoup de place pour l’aménagement. A une époque où l’hygiène est de plus en plus importante, chaque chambre dispose d’un point d’eau. La cuisine est traitée comme un véritable laboratoire qui communique directement avec l’espace de réception.

Le fonctionnalisme est en marche, contrairement à une époque pas si lointaine où les pièces de service se trouvaient à l’opposé des appartements des maîtres. Cette organisation a été facilitée par l’utilisation de planchers béton et de poteaux. Une fois libéré d’une structure imposante, le bâtiment peut s’organiser comme on le souhaite, c’est le plan libre. Il en est de même pour les façades : les fenêtres ne sont plus figées dans la structure, c’est la façade libre. Deux des cinq points de l’architecte.

L’originalité du projet de la Villa Savoye tient également dans son rapport à la verticalité et à l’horizontalité, caractéristiques des ouvertures, mais surtout des circulations. L’escalier en colimaçon assure la liaison verticale. La rampe, quant à elle, est le point central du projet. Elle permet de parcourir lentement la maison, du rez-de-chaussée jusqu’au solarium. Cette promenade crée une continuité entre intérieur et extérieur. Une promenade qui se termine en beauté : la vue sur le paysage, grâce à une ouverture rectangulaire dans le mur, met en valeur les perspectives. Le Corbusier s’est attaché à magnifier la maison. « C’est le point de vue du plasticien avec son jeu de graphisme et de linéarité », explique Carine.

Et maintenant

Rien de plus naturel que de vouloir un habitat qui corresponde à nos styles de vie. Qui ne rêve pas de libérer les espaces étriqués de son vieil appartement parisien ? Ou de jouir d’une luminosité omniprésente… ? La Villa Savoye, qualifiée par son concepteur de « machine à habiter et de machine à émouvoir », a permis une avancée du traitement architectural : il apporte qualité de vie spatiale, fonctionnalisme et une relative égalité sociale. Avec le recul, les concepts de l’architecture moderne ont permis de tendre vers notre époque contemporaine qui, elle-même, évolue désormais vers une architecture plus verte. Nous vivons dans l’architecture, nous changeons. Selon la même logique, nos habitats évoluent.